Un préavis de grève des employés de BLT Cameroun et SOCOPAO Cameroun annonce un débrayage pour les prochains jours dans deux des cinq entreprises de BAL Cameroun. C’est une décision prise à l’unanimité par les 800 travailleurs concernés.
Elle fait suite à l’échec de la tripartite (Groupe Bolloré, Délégués du Personnel et l’Inspection du Travail) qui a eu lieu le 18 janvier 2023 à la Délégation régionale du Travail et la Sécurité Sociale du Littoral. Alors que la partie demanderesse attendait que le Groupe Bolloré fasse une proposition concrète sur leurs revendications légales, les deux représentants du Département des Ressources Humaines de la Direction régionale de Bolloré Golfe de Guinée vont faire dans le dilatoire en soutenant que leur hiérarchie dit attendre la réponse au recours gracieux introduit auprès du Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale (MINTSS), Grégoire Owona dont certaines susurrent qu’il aurait une relation très étroite avec la haute administration du Groupe Bolloré. C’est à se demander s’il va sacrifier les droits et intérêts des Camerounais à l’autel de ses intérêts personnels. Or, Mme le Délégué Régional du MINTSS va demander de savoir sur quel autre article du Code du travail en vigueur ce recours gracieux s’appuie pour prospérer. Les représentants de Bolloré vont rester sans voix. Le Collectif des délégués du personnel de BTL Cameroun et SOCOPAO Cameroun va arriver à la conclusion que le Groupe Bolloré est plus que jamais déterminé de ne pas leurs payer leurs droits avec les indemnisations qui vont avec conformément à l’article 42 du Code du travail. Une attitude qui a spontanément tendu le climat social. Et fait planer un risque de grève chez BTL et SOCOPAO devenus des entités de BAL/MSC après la confirmation de la vente. Aussitôt sorti de la tripartite, « Le Collectif des Délégués du Personnel de BTL et SOCOPAO Cameroun a fait un compte rendu de cette réunion aux employés qui ont voté à l’unanimité pour un arrêt de travail. A cet effet, un préavis de grève est en cours de téléchargement et sera déposé à la Délégation Régionale du travail du Littoral dans les heures qui viennent », confie un employé. Le lendemain 20 janvier 2023, le Collectif a de nouveau rassemblé les Travailleurs pour soumettre à leur amendement la teneur du préavis de grève qui a été rédigé à leur demande. Et à l’unanimité, il a été demandé au seul Président (des 13 Syndicats d’entreprises existants) solidaire à cette cause de déposer ledit préavis de grève. Par la suite, il a été aussi décidé la reprise du port des tenues noires dès le lundi 24 janvier 2023. Une situation que suit attentivement le nouveau repreneur qui en est très embarrassé. Contraignant ainsi les responsables pays de MSC de tenir des réunions dans les bureaux du DG de BTL Cameroun à Douala les 19 et 20 janvier courant.
Chronologie des faits
Depuis le 31 mars 2022, le capitaine d’industrie français, Vincent Bolloré, qui a constitué une grande partie de sa fortune en contrôlant la majorité des terminaux portuaires dans les pays africains et en devenant l’un des acteurs majeurs du secteur de la logistique, a cédé l’essentiel des activités africaines du groupe qu’il dirige à Méditerranéen Shipping Company (MSC) pour la somme de 5,7 milliards d’euros (environ 3727,7 milliards Fcfa. En intégrant les actifs de Bolloré Africa & Logistics (BAL), MSC se hisse désormais à la première place mondiale dans le transport et la logistic maritime.
L’annonce de la vente de la totalité des actifs du Groupe Bolloré en Afrique au Groupe Italo-suisse Méditerranéen Shipping Company (MSC) est faite le 31 mars 2022.aux employés dans un communiqué signé par le patron du groupe Bolloré monde, Cyrille Bolloré.
Au Cameroun, l’inquiétude des 3 300 employés répartis dans les cinq (5) sociétés du Groupe Bolloré au Cameroun (CAMRAIL, SEPBC, KCT, BLT et SOCOPAO) se ravivent. Même la sortie dans le Magazine panafricain « Jeune Afrique », édition du 30 mai 2022, du patron de MSC, Diego Aponte, le fils du Capitaine d’industrie Italo-Suisse, Gianluigi Aponte, qui a pris depuis 2014 les commandes de la compagnie maritime familiale, Mediterranean Shipping Company (MSC), n’estompe pas leurs inquiétudes malgré que dans cette interview il s’étend sur leur nouvelle stratégie et vision sur le continent. Seul bémol, ils sont désormais fixés sur les intentions du Groupe Italo-suisse MSC, repreneur des actifs de BAL en Afrique en général et au Cameroun en particulier.
Les employés de deux des cinq entités de BAL, soit Bolloré Transport and Logistics (BTL) et SOCOPAO Cameroun par le biais de leurs délégués du personnel, vont réclamer le paiement de leurs droits avant la modification de leur contrat de travail et le paiement d’une prime de participation à la vente. Ceci conformément à l’article 42 la loi portant Code du Travail. Ce d’autant plus que dans les deux entreprises, Bolloré était actionnaire majoritaire respectivement à hauteur de 83% et à 87%. Soutenant qu’« il est de notoriété publique que ce sont l’expérience, le professionnalisme et le savoir-faire des employés qui ont été cédés à MSC ». D’ailleurs qui va décider garder dans un premier temps tous les employés et même les dirigeants des différentes entreprises de BAL.
Face au refus de la Direction générale du Groupe Bolloré monde par la voix de Cyrille Bolloré qui soutenait qu’« Il n’est pas prévu de fusion avec MSC. [Et] Il n’y aura pas de changement dans nos organisations au Cameroun », les délégués du personnel ont saisi l’inspection du travail le 9 mai 2022 pour « sollicitation d’avis et d’arbitrage sur l’application de l’article 42 du Code du Travail camerounais ». Après la première confrontation qui a eu lieu le 16 mai 2022 à la Délégation Régionale du Travail et de la Sécurité Sociale du Littoral, il avait été demandé aux deux parties d’aller se pouvoir avec les arguments et les éléments permettant d’asseoir les différentes positions. Les parties ont déposé leurs conclusions le 25 mai, 48 heures avant la seconde confrontation qui avait été prévue le 27 mai.
Au cours de cet arbitrage dirigé par l’Inspecteur de travail N°7, le représentant de BTL Cameroun et SOCOPAO Cameroun a fondé sa défense sur le mémoire du Directeur régional BAL Golfe de Guinée, Serge Agnero. Dans lequel, il reconnait que BTL et SOCOPAO Cameroun sont des sociétés de droit camerounais. « En effet, dans le principe de l’autonomie des entreprises dans un groupe de sociétés, les entités concernées ont une personnalité juridique distincte de la maison-mère, ainsi que leur patrimoine propre qui ne saurait être confondue », affirme-t-il, avant d’ajouter que : « Il apparait au terme de l’analyse ci-dessus que l’application des dispositions de l’article 42 alinéa 1 est conditionné par la modification de la situation juridique de l’entreprise et la poursuite de l’activités économiques ». Et de soutenir que : « Il est donc indéniable pour la suite de déterminer si BTL Cameroun et SOCOPAO Cameroun filiale de BAL feront d’un changement de l’objet de leur situation juridique dans le cadre de la cession rappelée plus haut » Et de conclure que : « Une analyse rigoureuse des contours juridiques de l’opération de cession projetée permet de conclure que les entités BTL Cameroun et SOCOPAO Cameroun ne connaitront pas de changement dans leurs situations juridiques respectives ».
Répondant à une correspondance de relance du 27 juillet 2022, des Délégués de Bolloré Logistic Transport (BLT) Cameroun et SOCOPAO Cameroun, Mme le Délégué Régionale du Travail et de la Sécurité Sociale du Littoral (DRTSSL) Mme Sonia Etoundi Bekono a dans une lettre datée du 1er août 2022 avec pour objet : « Dégradation du climat social et relance pour avis » affirme que contrairement aux allégations des représentants du Groupe Bolloré, cette multinational a vendu 100% de ses actions de ses filiales camerounaises (CAMRAIL, SEPBC, KCT, BLT et SOCOPAO) : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que la cession à 100% des actifs de Bolloré Africa Logistic au Groupe MSC constitue une modification du statut juridique de l’employeur ». Donnant ainsi un cinglant coup de massue au Groupe Bolloré dont les représentants lors des audiences d’arbitrage avaient déclaré pour leur défense que cette vente de BAL ne concerne pas les entreprises du giron Bolloré au Cameroun. « La cession dont il est question se situe au niveau international entre Bolloré et MSC en vertu de la relativité des conventions et l’autonomie juridique des sociétés », comme l’arguait Agnero Serge, Directeur régional de Bolloré Golfe de Guinée. Et d’ajouter que : « BAL n’est pas l’employeur des collaborateurs de BTL et SOCOPAO Cameroun ».
Au lendemain de la signification de la décision d’arbitrage de la Délégation Régionale du Travail et de la Sécurité Sociale, le Directeur Région Golfe de Guinée de Bolloré Transport & Logistics, Serge Agnero, a rencontré le Collectif des délégués du personnel, le 04 août 2022. Par la suite, il avait fait une communication dans le réseau intranet de BAL Cameroun, qui mettait plus l’huile au feu qu’un discours d’apaisement espéré. Faisant dans le dilatoire et la diversion, il va prétexter que la vente de Bolloré à MSC n’était pas encore effective malgré l’annonce officielle du Président du Groupe Bolloré. « Sur ce sujet, il m’a semblé important de partager, de nouveau, avec vous, un certain nombre de points majeurs…Pour le moment, et comme rappelé à maintes reprises par Cyrille Bolloré et Diego Aponte, la vente n’est pas encore finalisée, car elle reste conditionnée à l’obtention d’autorisations réglementaires et des autorités de la concurrence compétente. Ce n’est qu’à l’issue de ce processus que nous saurons si ce projet de cession connaitra un aboutissement fructueux. Le Président Cyrille Bolloré et les équipes qui travaillent sur le sujet indiquent faire le nécessaire afin qu’elle soit effective d’ici la fin du premier trimestre 2023 ». Et de rappeler que BAL n’entendait pas respecter la décision de l’inspection du travail. « Au sujet de l’interprétation de l’article 42 du Code du Travail camerounais qui traite des conditions de modification du contrat de Travail. Cette correspondance a été transmise à nos juristes pour information et avis ».
Une sortie qui a eu le mérité d’irriter le personnel. En riposte, le Collectif des Délégués du personnel a poursuivi avec la procédure administrative dans la perspective de déboucher à un préavis de grève. Seulement, faisant suite au ramdam médiatique sur cette grogne pacifique, le Groupe Bolloré va demander aux Directeurs et Managers de BAL Cameroun de solliciter du Collectif des Délégués du Personnel de BTL et SOCOPAO Cameroun de faire fi de la décision qui somme Bolloré d’appliquer l’article 42 de la loi portant Code du travail pour solliciter d’engager des négociations dans l’optique d’une prime de vente qui devrait être versée aux employés.
Les mensonges et la défense du Directeur régional Golfe de Guinée de BAL sont mis à nu par un sentencieux désaveu.
C’est tout d’abord, Cyrille Bolloré, fils de Vincent Bolloré qui a repris le contrôle du Groupe Bolloré Monde depuis quelques année, qui, dans un communiqué interne du 21 décembre 2022 adressé aux employés, faisait l’annonce de la finalisation du processus de vente de la totalité des actions de Bolloré Africa Logistics (BAL) regroupant l’ensemble des activités de transport et logistique du Groupe Bolloré en Afrique sur la base d’une valeur de 5,7 milliards d’euros (environ 3 727, 8 milliards FCFA). « A la suite des communiqués de presse du 31 mars et du 1er décembre 2022, Bolloré SE annonce la réalisation en date de ce jour de la cession au Groupe MSC de 100 % de Bolloré Africa Logistics », indiquait le communiqué. Et de préciser : « Le prix de cession des actions s’établit à 5,1 milliards d’euros auquel s’ajoutent 600 millions d’euros de remboursement de comptes courants ».
A son tour, le patron de Mediterranean Shipping Company (MSC), Diego Aponte, le fils du Capitaine d’industrie Italo-Suisse, Gianluigi Aponte, va dans un message envoyé aux employés de BAL en fin d’année rassurer les 21 000 collaborateurs répartis dans les 250 filiales représentés dans les 47 pays africains de sa fierté de poursuivre l’aventure avec eux. Soit 3 300 employés répartis dans les cinq (5) sociétés du Groupe Bolloré au Cameroun (CAMRAIL, SEPBC, KCT, BLT et SOCOPAO). « Je suis très fier d’annoncer la finalisation de l’acquisition de Bolloré Africa Logistics et de vous souhaiter la bienvenue au sein de la famille MSC », leur adressera-t-il.
Avec cette confirmation et le refus d’appliquer la décision de l’inspection du travail, une tripartite (BAL, Délégués du personnel et Inspection du travail) est sollicitée pour trouver une ultime porte de sortie à l’amiable. Elle a eu lieu le 18 janvier 2023. Et s’est soldé par un échec sous fond d’avoir des bras longs dans les pénates du sérail.
Le Collectif des employés