Le Cameroun comptant plus de 600 organes de presse pour 250 millions Fcfa par an, le leader du Sdf qui estime que cette enveloppe est insignifiante suggère que les subventions aux médias privés soient réglementées par une loi votée au parlement, pour leur donner du poids et la force de mise en œuvre.
Ni John Fru dit avoir toujours fait du combat pour la liberté de la presse l’une des pierres angulaires les plus fortes de sa lutte de libération du Cameroun. « C’est dans cette optique que j’ai mobilisé le Sdf (Social Democratic Front : Ndlr) et d’autres forces progressistes de la nation autour de la lutte pour la liberté d’expression, qui a conduit à la promulgation de la loi n° 90/52 du 19 décembre 1990 », a-t-il indiqué, avant de se réjouir de la réalité de cette liberté. « Bien que nous ne puissions dire que tout va bien, les choses que les journalistes écrivent et disent aujourd’hui leur auraient causé de sérieux ennuis avant l’enclenchement de la lutte. Au cœur de la lutte pour la démocratie multipartite au Cameroun, le Sdf a soutenu la presse par tant de manières pour qu’elle soit un partenaire fort et fiable dans la lutte », s’est félicité le leader du Sdf, qui relève que le parti et lui ne reculerons devant aucune difficulté, pour continuer à apporter cet appui par tous les moyens disponibles.
« L’objet de cette invitation à déjeuner ne saurait être la litanie de ce que nous avons fait pour la presse par le passé, bien que ce rappel des faits ait toute sa place pour les jeunes journalistes nouvellement arrivés qui ne sont peut-être pas au courant d’un tel soutien de notre part. Ce message porte davantage sur notre préoccupation concernant les difficultés auxquels vous êtes confrontés aujourd’hui et l’expression de notre volonté de travailler ensemble pour une société plus libre, plus juste et démocratique. Je suis très conscient des problèmes qui affligent votre domaine et je vais en citer quelques-uns ici », a-t-il tenu à rappeler. Il s’agit de « la persécution des journalistes dans l’accomplissement de leur devoir professionnel. Il est malheureux que des journalistes soient arrêtés, emprisonnés et même tués dans certains cas simplement, parce qu’ils relèvent le défi de rapporter les faits tels qu’ils les voient. Etant donné que vous connaissez toutes ces victimes d’oppression, je m’abstiendrai de les nommer, de peur d’en oublier. Le Sdf, et moi personnellement, avons toujours défendu la dépénalisation des délits de presse ; la criminalisation des délits de presse prive la presse de la liberté requise, pour agir véritablement comme quatrième pouvoir sensé réguler le comportement national par le biais de la dénonciation. Nous devons dépénaliser ces infractions pour une démocratie saine ; la clochardisation des journalistes. Ceci résulte de deux facteurs principaux, la précarité économique du secteur privé au Cameroun et le montant médiocre de la subvention de l’Etat aux médias privés. Partout dans le monde, la presse vit grâce aux publicités. L’on ne saurait attendre des insertions publicitaires d’un secteur privé pauvre et fragile pour stimuler la presse. Quant à elles, les agences gouvernementales ne font pas souvent de publicité auprès des médias privés. Elles ne traitent le plus souvent qu’avec les médias publics déjà sur financés par le Trésor public. Cela crée un déséquilibre qui n’est pas sain pour la liberté de la presse. Pire encore, là où l’Etat a prévu des subventions à la presse privée, ces subventions sont trop maigres pour avoir un impact réel. Le Cameroun compte aujourd’hui plus de 600 organes de presse alors que le gouvernement ne débourse que 250 millions Fcfa pour eux par an. Ce montant est d’une insuffisance criante. Le Sdf estime que les subventions aux médias privés devraient être réglementées par une loi votée au Parlement pour leur donner du poids et la force de mise en œuvre ».
Autres solutions
Ni John Fru Ndi évoque également « l’inaccessibilité à l’information officielle de l’État. Le devoir de la presse est d’informer et d’éduquer, mais lorsque les agents de l’État retiennent des informations qui ne sont nullement confidentielles, ils empêchent la presse de jouer sérieusement ce rôle. Le législateur a pourtant résolu ce problème en créant une loi sur l’accès à l’information qui oblige les agents de l’État à être plus ouverts et transparents avec la presse. Il suffit de l’appliquer, mais il s’avère que de nombreux journalistes ne sont même pas conscients de son existence ; l’anarchie dans l’organisation de la presse au Cameroun. Cette anarchie existe à travers la manière dont les organes d’information ou les entreprises de presse sont créés, sans critères clairement définis, la non-délivrance de licences à des organes de presse déjà existants, le non-respect de l’éthique journalistique, le manque de clarté sur qui est journaliste et qui ne l’est pas, de graves divisions parmi les journalistes et les associations de journalistes sur l’organisation de leur propre profession et la création ou le parrainage de certains organes de presse par certains individus tapis au sein du pouvoir à l’effet de réaliser leurs plans machiavéliques. Je soutiens ceux qui sont d’avis que cette cacophonie ne peut être résolue que par la création d’un Ordre des journalistes du Cameroun avec pleine autorité pour contrôler les excès et les délits de presse de la même manière que nous avons l’Ordre des avocats pour les avocats et l’Ordre des médecins pour les médecins ».
Ne sont pas en reste, la prolifération des médias sociaux et la rapidité avec laquelle ils publient des informations. Les médias sociaux ont pris un sérieux pas sur les médias traditionnels en ce qui concerne la rapidité de la diffusion de l’information, de sorte que ces derniers dépendent maintenant des premiers dans de nombreux cas pour l’information et les images. Les exemples abondent où un incident comme un accident se produit et les médias sociaux annoncent la nouvelle qui fait de nombreux tours avant que les médias conventionnels ne le reprennent. Cette situation nuit gravement à la fiabilité de l’information que reçoivent les populations dont la dépendance aux médias sociaux augmente de façon fulgurante. Les répercussions sont énormes au vu du manque de crédibilité d’une grande partie des informations qui circulent habituellement sur les réseaux sociaux ; et la propagation effrénée des fausses nouvelles et ses conséquences dramatiques. Le volume de fausses nouvelles qui circulent ces jours-ci est alarmant. Les fausses nouvelles ont toujours existé, mais les médias sociaux les ont propulsées à un niveau sans précédent. La théorie du complot ciblant des individus, des institutions, des partis politiques et même des pays qui doivent être détruits abondent sur les médias sociaux, entraînant des conséquences dramatiques. Le plus terrible, c’est que les journalistes de salon, par manque de nouvelles ou par pure méchanceté, se laissent embarquer dans la théorie du complot et relaient ces fausses nouvelles dans leurs médias. La presse doit s’opposer fermement aux fausses nouvelles et à la théorie du complot, si elle veut rester crédible ».
Le but du chairman en citant ces maux de la presse dans son pays n’est pas d’informer sur ces défaillances. « Je veux plutôt que vous sachiez que cela me préoccupe. C’est pourquoi j’ai toujours été proche de vous et je sais où se trouve votre mal. Mieux encore, je veux que nous travaillions ensemble, en étroite collaboration pour voir comment nous pouvons agir vigoureusement pour sauver la situation. C’est dans cette optique qu’en présentant chaque problème ci-dessus, j’ai suggéré une issue possible. Je ne crois pas à l’opposition sans proposition. Je crois aux solutions basées sur l’action. Bon nombre des solutions que j’ai suggérées pour les problèmes ci-dessus nécessitent un vigoureux plaidoyer et je tiens à vous assurer que vous pouvez compter sur nous pour ce plaidoyer », a suggéré John Fru Ndi.
Aubin BEKONDE