Certes la nouvelle constitution ivoirienne permet au président Ouattara de briguer un 3ème et même un 4ème mandat, mais il semble raisonnable et sage de sa part de ne pas céder à cette tentation et aux appels pressants de ses supporters. Le temps qu’il a passé au pouvoir, M. Ouattara laisse un bilan très brillant.
On a vu Ouattara le bâtisseur : il y a eu plus d’infrastructures construits dans ses cinq premières années qu’il n’y a en a eu les 20 dernières années en Côte d’Ivoire. Routes ; ponts ; immobilier; écoles, lycées et universités ; hôpitaux et centres de santé ; etc.
On a connu Ouattara l’homme du social : les augmentations des salaires dans la fonction publique sous Ouattara à l’issue de son 1er mandat ont dépassé les rares avantages accordés aux fonctionnaires sous Bédié et sous Gbagbo réunis. Le Salaire minimum a été doublé ; etc.
Ouattara le génie économique s’est manifesté: Taux de croissance le plus élevé d’Afrique (moyenne de 7% ces 8 dernières années); dette intérieure payée à des niveaux jamais égalés; échéances de la dette extérieures honorées ; bonne stratégie d’attraits de capitaux et investisseurs étrangers ; boom de la production agricole ; développement exponentiel du secteur des services ; etc.
Ouattara l’homme de paix s’est illustré: les observateurs avertis sont unanimes que si c’est Gbagbo qui avait gagné la guerre née de la crise post-électorale, des centaines de responsables du parti de M. Ouattara et de son allié d’alors Bédié, en commençant par ces deux-là leaders eux –mêmes, auraient simplement été assassinés et massacrés. Mais le président Ouattara a amnistié plus de 800 responsables du parti de Gbagbo, dont son épouse Simone, parfois présentée par certains observateurs comme l’incarnation du diable. Les comptes des pro-Gbagbo ont été dégelés et ils narguent les Ivoiriens avec des centaines, voire des milliards de CFA qu’aucun d’entre eux ne pourraient justifier par ses revenus réels. Il s’agit donc de deniers publics volés sous le règne Gbagbo.
Le président Ouattara n’a donc plus rien à prouver. Le dernier challenge qu’il doit relever, c’est de démontrer qu’il est capable de résister à l’appel de ses partisans et à une folle envie, légitime, de continuer à construire et bâtir ce pays qu’il a dans la peau. Un ex-président de la république me disait une fois qu’il n’y a pas solitude plus grande que celle d’un ex-Chef d’Etat. L’impressionnant protocole ; les honneurs sans fin, la possession d’un pouvoir quasi sans limite…tout cela disparaît brusquement. Du jour au lendemain, Vous partez d’une situation où vous avez plusieurs centaines d’hommes à votre service au quotidien, et où il vous suffit d’un claquement de doigt pour changer en bien ou en mal radicalement la vie de tout citoyen, vers une situation où, si vous êtes chanceux, vous aurez un poignée d’hommes autour de vous. La perte de tous ces honneurs et privilèges, sans compter la conviction d’être irremplaçable et de vouloir encore faire plus, sont les principales raisons qui amènent les hommes de pouvoir à redouter ce moment où ils doivent s’effacer.
J’entends ceux des partisans d’Ouattara qui estiment qu’il doit continuer « la belle œuvre ». Mais de telles déclarations seraient reconnaître au président l’échec de n’avoir pas pu organiser sa succession, d’avoir été incapable de préparer la relève. Or, mon regard d’analyste voit au moins une bonne vingtaine de cadres de très haut niveau, de toutes les régions de la Côte d’Ivoire, qui ont travaillé dans le sillage d’Alassane Ouattara (dans le gouvernement ou à la présidence), bien outillés pour lui succéder valablement.
Enfin, il faut aussi penser à l’image que l’on souhaite que le monde entier retienne d’Ouattara. Veut-on que l’on garde de lui le souvenir d’un homme qui a respecté sa parole en quittant le pouvoir dans un contexte qu’il aurait pu le conserver ; ou veut-on plutôt que Ouattara reste pour la postérité comme cette race encore rare de Chef d’Etat africain qui transmet volontairement le pouvoir à un successeur démocratiquement élu ? Ce serait d’ailleurs la première alternance démocratique, sans heurts, en Côte d’Ivoire, 60 ans après l’indépendance. Bédié n’été qu’une succession à la mort d’Houphouët Boigny ; Gueï, un coup d’Etat ; Gbagbo a dû arracher le pouvoir à Gueï par des manifestations montres à Abidjan ; bien que démocratiquement élu, le président Ouattara s’est vu contraint de recourir à la force pour récupérer le mandat du peuple que Gbagbo le boucher d’Abidjan avait décidé de confisquer Ad vitam æternam.
Alors, au lieu de vouloir vaille que vaille contraindre ADO (Alassane Dramane Ouattara) à renoncer à une retraite bien méritée, et à quoi l’âge l’y oblige, ses partisans devraient plutôt consacrer les quelque 20 prochains mois qui nous séparent de la présidentielle de 2020, à animer un mouvement « ADO Initché ! » (ADO MERCI !).
Si l’Afrique du Sud a pu survivre à Mandela, le peuple du RHDP survivra à Alassane Ouattara. Surtout qu’il ne sera jamais bien loin, puisqu’il nous semble qu’il devrait pendant un moment rester à la présidence de son parti, le RHDP.
Mandela a eu la grandeur de partir alors que la constitution lui permettait de rester. ADO devrait partir dans les mêmes conditions. Savoir renoncer à ce à quoi l’on a droit. C’est ça aussi la marque des grands hommes.