Après les élucubrations qui ont les choux gras de la presse suite à la publication des résultats à l’Enam, l’homme politique Dr Joachim TABI OWONO rompt le silence à travers une déclaration dont voici l’exclusivité.
La publication des résultats du concours d’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) passe rarement inaperçue dans notre Pays. C’est toujours comme qui dirait, ‘‘un évènement’’ ! Le concours de cette année 2020 n’a pas échappé à la règle, lui qui a fait les choux gras de la presse conventionnelle et même des réseaux sociaux. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à consulter les titres de la semaine (du lundi 19 au jeudi 22 Octobre 2020) :
Marginalisation du Grand-Nord : François Wassouni interpelle Paul Biya (L’œil du Sahel) ; Ces quotas de la colère du Grand-Nord (Camer press) ; Le Grand-Nord insiste pour ses places à l’Enam (Kalara) ; Concours administratifs. Enam : d’un scandale à un autre (défis actuels) ; Enam : Enquête sur la crise à l’école des chefs (Le Messager) ; Concours administratifs au Cameroun : Les Quotas perdent la ‘‘cote’’ (Le Pélican) ; Enam entrance exams scandal : Mindef’s lone Anglophone candidate pushed to waiting list (News Watch) ; Réussite aux concours administratifs : d’abord la performance (Le Quotidien) ; Concours d’entrée à l’Enam. Joseph Le : Mettre fin aux incompréhensions (info matin) ; Ramdam autour du concours d’entrée à l’Enam : Abattre le Dg pour affaiblir le Régime (Pile ou Face) ; Enam : Les brutaux mensonges de Joseph Anderson Le (L’Indépendant) ; Scandale à l’Enam : Les gros mensonges de Joseph Le et Soumbou Angoula (Tribune d’Afrique) ; Concours administratifs, Joseph Le jette une lumière vive sur le flou apparent (Découverte Régionale) ; Polémiques sur les résultats du concours de l’Enam 2020 : Les clarifications de Joseph Le et de Soumbou Angoula (Prospective nouvelle) ; Enam : La crise du déséquilibre national (Monde Professionnel) ; Last but not least, et comme un cheveu dans la soupe : Lifeless body of Enam student fished out from municipal lake (The Guardian Post) ; Enam student found dead in Yaounde Municipal Lake (The Horizon) etc…
L’état des lieux
Au fil des ans et très vite, ce ‘‘super’’ Concours est devenu une question d’état, pire, une question de vie ou de mort pour les camerounais, ayant le culot de reléguer au second plan, en cette année 2020 (même si ce n’est que pour quelques jours), la terrible pandémie du Corona Virus ! Le concours d’entrée à l’Enam, c’est le concours qu’il faut à tout prix passer. Il est aujourd’hui, non plus l’affaire du candidat (qui échoue), mais plutôt celle de sa famille, de sa tribu, et surtout de sa Région ! Chaque parent voudrait voir entrer sa progéniture à la prestigieuse Ecole. Le parent peut encore comprendre que son fils ait manqué de pot, mais l’homme politique garant de la sauvegarde des intérêts de la Région, jamais ! Pour renforcer les revendications de leur Région, des hommes politiques n’hésitent pas à se faire des alliances, parfois contre nature. C’est ainsi que, pour mieux défendre la cause ‘‘anglophone’’, News Watch n’hésite pas à l’allier à celle des ‘‘nordistes’’, pour faire bloc contre les ‘‘régions privilégiés’’ ! Le Journal écrit notamment: ‘‘Like Northerners, Anglophones say the development is a clear indication that ENAM is an institution for people from privileged regions’’! On aurait souhaité voir pareille synergie d’intérêts par exemple lors du ‘Grand Dialogue National’, au cours duquel ‘‘les Anglophones ‘’ (hic) auraient revendiqué un Statut Spécial également pour la Région de l’Extrême-Nord, victime elle aussi de l’insécurité. Que non ! D’autres tabloïdes (Camer press) prêtent même des intentions à ceux qui se taisent, s’offusquant du fait que ‘‘Les Régions de l’Est et du Sud soient étonnamment silencieuses en dépit de leur faible part dans les concours administratifs au Cameroun’’ ! Comme quoi, il est interdit de ne rien dire, puisqu’il faut augmenter le nombre pour avoir la majorité absolue. Finalement, c’est sept (07) Régions sur dix (10) qui ne semblent pas trouver leur compte dans le partage du ‘‘gâteau national’’ ! Dès lors, trouver les Régions indexées comme ‘‘privilégiées’’ (qu’on jette ainsi à la vindicte populaire), n’est plus alors qu’un simple secret de Polichinelle … Cependant, il semblerait que dans notre Pays, manifester bruyamment son courroux n’est pas dans les habitudes de tout le monde. Heureusement, car si nos frères les Pygmées osaient se plaindre eux d’être totalement exclus du concours d’entrée à l’Emia, où il faut ‘‘avoir une taille minimale de 1,66 mètre’’ (alors qu’on trouverait difficilement meilleur Eclaireur-Patrouilleur ou Grenadier-Voltigeur en cas de conflit en zone forestière) ? Tout le monde en rirait ! Mais exclus tout simplement à cause de la taille que le Créateur leur a attribuée, est une injustice flagrante ! Et comme, une fois admis à l’Enam, il faille obligatoirement passer par la Préparation Militaire Supérieure, notre ‘‘Pygmée exclu d’Armée’’ n’aura donc jamais aucune chance d’être appelé un jour Monsieur/Madame le Sous-Préfet, ou Monsieur/Madame le Président du Tribunal ? Soit un quota ‘‘à vie’’ de 0 (Zéro) %, à cause d’un critère biologique ! Si nous nous mettions donc tous à la place du Pygmée, et si nous étions moins égoïstes et moins égocentristes, nous nous plaindrions sans doute moins !
Pourquoi l’Enam ?
En attendant la ‘‘suite conforme à la règlementation’’ que les Pouvoirs publics réserveront aux requêtes en examen (L’Action), une question lancinante se pose : qu’est-ce qui fait tant courir vers cette Grande Ecole ? Est-ce le désir caché dans le subconscient de chaque Camerounais, de commander (Administrateur civil), de toujours avoir raison, ou de donner raison à qui l’on veut (Magistrat) ? Est-ce l’opportunité d’enrichissement rapide que l’on attribue à tort ou à raison, au lauréat de l’Enam plutôt qu’à celui d’une autre Ecole ou Faculté ? A-t-on jamais vu pareille levée de boucliers à la suite de la Publication des résultats d’un concours d’entrée dans une Faculté d’Agronomie par exemple ? L’agriculture n’est-elle donc pas que ce qu’il vous reste à faire quand on n’a pas voulu de vous à l’Enam ? Et pourtant notre vie et notre survie en dépendent, parce que l’agriculture, jadis qualifiée de ‘‘priorité des priorités’’, est bien le passage obligé vers l’émergence à l’horizon 2035 (échéance qui se rapproche à grands pas) ! Car, avec une bonne gestion de l’eau et une agriculture bien pensée et bien suivie, le Grand-Nord deviendrait à coup sûr le ‘‘grenier’’ de l’Afrique sahélienne ! Hélas, quand un Camerounais achète son Journal chaque matin, il cherche surtout les nominations, et les résultats des concours dans la Fonction Publique, et passe le reste de la journée à lire entre les lignes et à calculer les quotas. Alors que quand un Israélien achète son Journal, ce qui l’intéresse de prime abord, c’est l’évolution de la nappe phréatique qui est monitorée au jour le jour, parce qu’il veut s’assurer de la satisfaction de ses besoins en eau potable et en irrigation, pour faire pousser la tomate dans le désert. Deux nationalités, deux mentalités !
Quid du Ministre de la Fonction Publique
Dans un tel imbroglio et pareil état d’esprit, le Ministre en charge de la Fonction Publique est vite devenu le parfait bouc émissaire, pris entre deux feux : d’un côté, ceux qui ne prennent pas du tout de gants pour accuser et condamner sans ambages (‘‘corruption, non-respect des quotas, népotisme, fraudes’’) ; et de l’autre, ceux qui mettent en cause sa bonne foi, même après ses explications (qui ne seraient que de ‘‘brutaux mensonges’’) ! On comprend bien que, selon un adage populaire, même si ce Ministre danse dans l’eau, sous ce coup-la, il y’aura toujours des gens pour l’accuser de soulever la poussière. Car il lui est tout simplement interdit de s’expliquer, et surtout d’expliquer ! Voltaire ne disait-il pas : ‘‘Je peux ne pas approuver ce que vous dites, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de le dire’’ ? Même Jésus qui est venu au monde pour mourir, a quand-même reçu de Pilate le droit de se défendre ! Une deuxième question lancinante se pose : Ne sommes-nous donc pas tout simplement en plein dans un procès en sorcellerie ? S’il n’en est pas un, il en a tout simplement l’air. Sans chercher à se faire l’avocat du diable, il serait honnête de reconnaître que les lois et Règlements en vigueur en la matière sur lesquels s’est appuyé le Ministre au cours de ses nombreuses explications, sont presque tous antérieurs à sa nomination… Hélas, au bout du compte, c’est la tête du Ministre qui sera réclamée sur un plateau d’argent, indépendamment de ses performances dans les autres domaines de son Département ministériel (gestion des fonctionnaires et agents de l’Etat, conception de la Réforme administrative…) ! Si on restait dans le domaine très prisé qui nous interpelle aujourd’hui, on dirait que : juger tout un Ministre sur la base des résultats d’un seul concours, serait lui attribuer un ‘‘quota’’ très bas !
And where do we go from here?
Le Président Paul Biya demandait for opportunément : ‘‘Quel Cameroun voulons-nous laisser à nos enfants’’ ? Est-ce un Cameroun-gâteau (éternellement), dont chaque Région – Ethnie – Tribu – Village – Famille pense avoir le droit de bénéficier d’une part de plus en plus importante ? Est-ce un Cameroun où seuls le mérite et la compétence primeront ? La politique de l’équilibre régional est-elle venue pour durer indéfiniment ? N’était-elle pas qu’une mesure transitoire, le temps de donner une égalité de chances à tous (et à toutes les Régions/Tribus/Ethnies) ? Une fois l’égalité de chances établie, ne devrait-on pas plutôt penser à introduire et encourager le culte de l’excellence, pour asseoir en définitive la Méritocratie ? Bref, serons-nous jamais un jour capables de penser d’abord ‘‘Cameroun’’, avant de penser ‘‘Région/Tribu/ Ethnie’’ ? C’est là la fameuse question de Shakespeare: ‘‘To be, or not to be?’’!
Nous pourrons simplement conclure en disant que, si dans un Pays qui se veut démocratique comme le nôtre, sept régions sur dix se plaignent d’une chose, c’est que cette chose n’est pas bonne pour le Pays tout entier. Si en plus cette chose rend ‘‘mauvais’’ (aux yeux de l’opinion publique), tous les Ministres et les Directeurs Généraux qui la gèrent au fil des ans, ce ne sont pas ces derniers qui sont mauvais, c’est la chose qui est mauvaise. Il devient impératif et urgent de la changer. Alors, adieu l’équilibre régional, vive l’égalité de chances et la méritocratie !
Dr Joachim TABI OWONO,
Président National AMEC,