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Carburants : un expert international démontre comment le Cameroun peut éviter la hausse des prix

Charmant Ossian, expert-consultant international en produits pétroliers et en gaz revient, à travers les colonnes du journal « Le Messager », paru récemment, sur la problématique de l’augmentation des prix des hydrocarbures, qui alimente l’actualité, pour livrer une batterie de mesures salutaires. Depuis la Grande Bretagne, il en a profité pour décrypter le message du Chef de l’Etat, Paul Biya, à la nation, le 31 décembre 2022, non sans déplorer que la diaspora ne soit pas associée à la réalisation des grands projets, qui lancent le top départ de l’industrialisation du pays.

Le Messager : Charmant Ossian, bonjour ! Je présume que vous avez comme tous les Camerounais suivi le discours du Président de la République, le 31 décembre 2022… Qu’est-ce qui a retenu votre attention dans cette adresse à la nation ?

Charmant Ossian : Absolument ! Le discours du Président de la République est un rendez-vous annuel. J’ai suivi avec une attention intéressée ledit discours et il se dit d’ailleurs que certains chefs d’Etat et de gouvernement de nombreux pays à travers le monde attendent les prises de paroles de SE Paul Biya comme des grands évènements. 

Le Président de la République a défini les objectifs de 2023, qui seront mis en œuvre par le gouvernement. Et bien avant, il a fait un bilan des douze derniers mois avec une subvention sur les produits des hydrocarbures s’élevant à 775 milliards Fcfa, qui augmenterait en 2023, si rien n’est fait.

775 milliards Fcfa en un an ne semblent-ils pas énormes dans le contexte actuel ? N’est-ce pas un scandale de trop surtout que vous dites que la subvention pourrait augmenter en 2023? Faut-il la supprimer ?

Ne voyons pas les scandales partout, s’il vous plait. En fait, les subventions sont une décision politico-stratégique normale, et le Cameroun n’est pas le seul pays qui pratique cette option géostratégique macroéconomique et macro-management afin de maintenir et contrôler les inflations des denrées de première nécessité.   

En fait, la subvention peut se faire de 3 manières : puisse que le Cameroun importe toutes ces consommations en pétrole, (a) la subvention peut commencer à l’achat au niveau international où on achète plus cher et revend moins cher/à perte ; (b) une autre contribution (subvention) du gouvernement durant le transport international et/ou national, et (c) les taxes que le gouvernement devait appliquer et qu’il n’applique pas sont là, quelques exemples de subventions. En plus simple, on achète cher et revend à perte, puisque nous ne raffinons pas de pétrole.

Donc, les 775 milliards Fcfa de subvention de 2022 (soit environ 13% du budget du Cameroun) pourraient couvrir les exemples susmentionnés. Ce qui pourrait sembler à la fois substantielle pour le Cameroun en ces moments. C’est une décision délicate et peut être contre les conseils de certains experts, mais le Cameroun a choisi jusqu’à lors de maintenir le prix du carburant bas à la pompe, car la hausse du carburant entraine une inflation de presque tout. Ce qui pourrait être lourd de conséquences.

Mais, comment expliquer que tout ait augmenté au Cameroun depuis janvier 2023, alors que le prix des produits des hydrocarbures à la pompe n’a pas changé?  

Dr Pascal Balata de Montréal (Canada) pourrait répondre à cette question avec aisance et avec plus d’arguments, puisse qu’il en est expert. Cependant, je pense que subventionner approximativement 800 milliards Fcfa, soit environ 3% du Pib national par an, peut créer un déficit budgétaire, donc une tension de trésorerie. Le Cameroun ne subventionne pas que les hydrocarbures. Bien plus, l’impact de la guerre Russo-ukrainienne et le Covid-19 sont à prendre en compte. Enfin, les circuits d’approvisionnement impactent les prix sur les marchés. La politique financière aurait peut-être décidé de trouver des niches, pour renflouer les caisses du trésor public. Vous trouverez certainement les meilleures réponses auprès des administrations concernées.

Le timbre fiscal comme la vignette automobile connait une augmentation de 50%. Est-ce la conséquence de la guerre Russo-ukrainienne ou des subventions ? 

Je ne doute pas que les administrations concernées vous donneront une bien meilleure réponse. Néanmoins, il est important de comprendre que chaque année et dans tous les pays du monde, il y a une augmentation/réduction des prix sur les denrées et services. 

A vous écouter et au regard de la conjoncture actuelle, on ne cerne pas si vous êtes pour le statu quo ou la suppression des subventions des produits des hydrocarbures ? 

Vous avez raison, parce que ce n’est pas une question aussi simple que vous pouvez penser et je ne voudrais pas faire une analyse partielle du fait que je ne possède pas tous les éléments nécessaires. Appliquer les coûts réels voudrait dire que les Camerounais achèteraient le litre de pétrole lampant à 800 Fcfa, le litre d’essence à 1035 Fcfa et le litre de gasoil à 1000 franc approximativement. Aujourd’hui le pétrole lampant est à 350 Fcfa, l’essence à 630 Fcfa, et gasoil à 575 Fcfa. Par conséquent, la subvention a un impact social important. Cependant, il y a le coût que nous connaissons dont on se demande objectivement jusqu’à quand. En fait, l’un (statu quo) ne pourrait pas être supporté indéfiniment pendant que l’autre (suppression des subventions) pourrait être suicidaire. 

Le Président Paul Biya a indiqué que le Cameroun n’échappera pas indéfiniment à un réajustement des prix des produits pétroliers. Faut-il craindre une probable hausse des prix à la pompe dans les prochains jours?

Son Excellence Paul Biya, Président de la République du Cameroun, disait que « Pour garantir l’approvisionnement régulier du marché domestique en produits pétroliers et en gaz domestique, il a fallu augmenter le volume des subventions publiques, au prix d’importants efforts budgétaires ». Même si je préfère que les institutions républicaines trouvent le juste milieu, je voudrais dire qu’il sera très difficile de maintenir la subvention au niveau actuel indéfiniment. Il y aura au moins une restructuration dans la financiarisation des prix du pétrole à la pompe ainsi que du gaz domestique.

Avec beaucoup de recul, vous vous rendrez compte que les prix des hydrocarbures augmentent tendanciellement, mais qu’ils restent à court terme soumis à une forte volatilité. Le prix du pétrole reste crucial pour la macroéconomie, pour les entreprises et pour les ménages. Autant le consensus est large lorsqu’il s’agit d’étudier les ressorts des prix pétroliers, d’évoquer leur financiarisation excessive avec l’essor des dérivés, autant il se dissipe dès qu’il faut designer clairement les responsabilités. Il faut trouver le juste milieu, car ce sera absolument insoutenable de consacrer plus de 800 milliards Fcfa aux subventions du pétrole. C’est un dilemme.

Dans ce dilemme, que proposez-vous ? 

Il y a une batterie des mesures à implémenter : (a) construction du pipeline Limbe-Douala-Yaoundé-Bafoussam-Septentrion ; (b) réhabilitation de la Sonara; (c) construction d’une seconde raffinerie, (d) exploitation et raffinage local du pétrole brute local. Une augmentation mesurée du pétrole à la pompe permettrait l’implémentation de la politique programmatique de SE Paul Biya, par la construction du pipeline à laquelle je faisais allusion plus haut (conséquence : réduction du coût du transport), et financer la construction d’une raffinerie par les ressources nationales (800 milliards Fcfa permettraient au Cameroun de financer la construction d’une raffinerie). Il ne faut pas se méprendre, car il faudrait aussi les mesures d’accompagnement comme la hausse des salaires des fonctionnaires, la réduction des taxes …

Comment contourner cette petro-dépendance ?

La ration réserves mondiales Ppp/exploitation 2019 des hydrocarbures démontre qu’il nous reste 55 ans de pétrole, à moins que l’on découvre d’autres gisements ou alors que l’on découvre d’autres technologies permettant d’accéder aux zones non accessibles en ce moment qui orientent vers un contournement à cette petro-dépendance. Il serait important de se mettre résolument aux énergies alternatives/renouvelables comme le solaire, la géothermique ainsi que l’utilisation rationnelle des hydrocarbures par une éducation et consommation d’énergie.

Le Président de la République a fait quelques annonces importantes liées, notamment à l’exploitation du minerai de fer de Kribi-Lolabé, le gisement de fer Mbalam-Nebeba et le fer de Bipindi-Grand Zambi. En tant qu’expert des questions minières, comment avez-vous accueilli ces annonces ?

Avec beaucoup d’enthousiasme. Je vois beaucoup d’emplois qui vont être créés, 560 km de chemin de fer qui vont être construits, de central a gaz et/ou solaire de minimum 60 Mw et beaucoup d’autres opportunités pour le pays et une source supplémentaire de revenues pour le trésor public, grâce aux taxes. Je déplore simplement que les Camerounais de l’étranger ne soient pas associés à la réalisation de ces grands projets, qui lancent le top départ de l’industrialisation du Cameroun.

Vous ouvrez là une question complexe sur la diaspora qui, je crois, fera l’objet d’un autre entretien. Mais, puisque nous y sommes, quelle peut être la contribution de cette diaspora dans ces annonces faites par le Président de la République ?

Comme partout dans le monde et en tout temps, les diasporas ont toujours contribué au développement de leurs pays d’origines. Les Camerounais de l’extérieur n’en font pas exception. Je veux pour preuve que dans les années 50, le combat était celui des indépendances ; les années 70 étaient celui de la consolidation de l’Etat et un exemple est Son Excellence Paul Biya. Aujourd’hui, le combat est socio-économique. Je voulais dire que the race has begun!! I am not talking about the next election, but the race for the future. Pour la Victoire de ce combat, le Cameroun a besoin de tous ses enfants. En symbiose avec ceux de l’intérieur, les Camerounais de l’extérieur sont prêts à accompagner le Président de la République dans sa politique programmatique d’un pays émergeant à l’horizon 2035 (une dizaine d’année). Nous le faisons déjà dans l’économie sociale avec environ 550 milliards Fcfa de transfert de devise par an. Mais, nous pouvons faire mieux sur les plans économique, politique, industrialisation, le transfert des compétences/technologies, social et en intelligence.

Par rapport aux annonces du Chef de l’État, vous vous souvenez de cette promesse faite à Paris, il y a quelques années, par rapport à la multi-nationalité. Restons attentifs à toute action dans ce sens-là. Peut-être faudrait-il un décret du Chef de l’Etat, qui donne un quota de 30% dans les projets, les industries et des sièges politiques aux Camerounais de l’extérieur afin qu’il y ait transfert des compétences et des technologies. Il est peut être temps de mettre ces compatriotes à l’épreuve.

Source : « Le Messager »

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