Le 20 novembre 2020, la justice camerounaise a présenté un triste spectacle dans une salle d’audience du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo.
La scène se déroule, le 20 novembre 2020. Des avocats en colère, des magistrats outragés, et des policiers décidés à réprimer. Appelée au secours, ces derniers ont dû recourir au gaz lacrymogène, pour obliger les hommes aux robes noires à évacuer la salle. Comment en est-on arrivé là ?
D’après les médias et certains témoignages, tout serait parti de la condamnation d’un justiciable à 18 mois de prison ferme, pour une infraction ignorée. Avant le verdict, indiquent des sources crédibles, ses deux conseils ont exigé à sa famille 03 millions Fcfa, pour aller «voir» la juge. Une fois l’argent encaissé, renchérissent ces indiscrétions, les avocats ont rencontré la magistrate, pas pour lui remettre le pactole, mais pour en appeler à sa fibre maternelle, et éviter une condamnation ferme à leur client. Malheureusement pour eux, les faits étaient graves et avérés.
En colère, révèlent les mêmes sources, le frère du condamné est allé réclamer l’argent en question à la juge, faute pour elle, d’avoir respecté les clauses du contrat, malgré le montant prétendument versé. Elle lui dit qu’elle n’a rien reçu. Pour voir clair, font savoir davantage ces sources, celle-ci a dû organiser une rencontre avec le frère du condamné et ses deux avocats. A les en croire, le frère a dû maintenir sa version des faits. Face à la situation, ajoutent ces sources, les avocats ont tout nié, arguant que les trois millions étaient plutôt leurs honoraires. Excédé, le frère aurait produit un enregistrement reçu dans son whatsapp, où l’un des avocats lui confirmait que l’argent avait été remis à la juge. Outragée, celle-ci aurait saisi le procureur de la république, et une procédure a été enclenchée, pour tentative de corruption et outrage à magistrat. Les trois personnes sont placées en détention provisoire.
Le jour de l’audience, les conseils des avocats poursuivis introduisent une demande de mise en liberté, en se présentant comme caution de leurs collègues, qui ont des adresses et des domiciles connus. Ils auraient soutenu qu’en application du code de procédure pénale, les avocats devaient être libérés. La juge ne l’aurait pas entendu de cette oreille, et renvoyé l’affaire, une quinzaine de jours plus tard. Les conseils des avocats et d’autres avocats auraient alors contesté bruyamment cette décision. La police présente sur les lieux, est invitée à remettre de l’ordre. Rien. La présidente du tribunal, responsable de la police d’audience, aurait par la suite fait venir des renforts. Face au refus d’obtempérer des avocats «indignés», la police a fait usage du gaz lacrymogène, pour faire sortir les avocats.
Si les faits sont avérés, cette affaire part des trois millions demandés, pour aller corrompre la juge. Mais l’argent ne lui aurait même pas été proposé, alors qu’on donnait d’elle l’image d’une juge corrompue. Ici remonte à la surface, un comportement préjudiciable à la justice. Celui de certains avocats, qui exigent de l’argent à leurs clients, en plus des honoraires, pour aller corrompre les magistrats, mais le détournent. Cette escroquerie existe aussi, parce que certains magistrats se prêtent à ce jeu dangereux. Que des avocats se transforment en démarcheurs pour des magistrats ternit l’image de tout un corps.
Comment un magistrat peut-il respecter un avocat qui, faute d’arguments de droit, recourt à la corruption va le corrompre, ou tente de le faire ? Souvent, des justiciables sont spoliés sur le dos des magistrats, au courant de rien, surtout si la décision rendue leur est favorable. Il faut attaquer le mal à la racine. Le barreau compte des avocats respectables et compétents, autant que la magistrature, pour les magistrats. Au-delà de ces deux corps condamnés à vie à cheminer ensemble, le triste spectacle de Douala a sérieusement écorné l’image déjà pas très bonne de la justice camerounaise. Le ménage doit être fait dans les deux corps.
Aubin BEKONDE (Stagiaire)