Le droit de réponse des ressortissants Emveng autochtones de la capitale au ministère de la Défense, rendu public, le 21 avril 2023.
Yaoundé, le 21 Avril 2023
Nous, ressortissants EMVENG autochtones de Yaoundé, avons pris connaissance avec consternation du communiqué n° 000152/CP/MINDEF/019 du 20 Avril 2023. Le Ministère de la Défense nous apprend que nous sommes « des personnes propageant dans l’opinion publique des informations infondées » concernant nos terres situées à Olézoa-Yaoundé.
VOICI CE QU’IL EN EST REELLEMENT
Par Arrêté n°36 du 15 février 1941, une superficie de 83 hectares et 90 ares a été classée dans le domaine privé du Territoire du Cameroun Français par le Gouverneur Français Pierre Cournarie, dans un contexte de Seconde Guerre Mondiale (pièce jointe n°1). Ce terrain a fait l’objet de la répartition suivante :
- 6 hectares 15 ares au profit de l’Ambassade de France suivant réquisition n°5557 du Premier Ministre Ahmadou Ahidjo le 13 mars 1959 (pièce jointe n°2), publiée au Journal officiel du 03 juin 1959. Elle aboutira à l’établissement du Titre Foncier n°1070/MF ;
- 77 hectares 75 ares mis à la disposition de l’autorité militaire suivant réquisition n°5712 du 02 octobre 1959 publiée au Journal officiel n° 1333 du 18 novembre 1959. Elle aboutira à l’établissement du Titre Foncier n°3649/MF. On découvrira 40 ans plus tard que ce titre foncier s’est retrouvé, sans base légale à 112 hectares, 78 ares, 46 centiares, au lieu des 77ha 75a précisément visés par la réquisition qui en est le fondement juridique (pièce jointe n°4).
Le supplément de 35 hectares, 03 ares et 46 centiares a fait, durant ces 40 années, l’objet de revendication de la part de la communauté Emveng ; inexplicablement et illégalement spoliée. C’est à cette parcelle que fait allusion le communiqué du Ministère de la Défense.
Nous ne sommes donc pas simplement des « personnes qui propagent des informations infondées » ; mais bel et bien une communauté autochtone revendiquant ses droits fonciers légitimes.
De fait, ces revendications ont été portées à la Très Haute attention du Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur le Président Paul Biya, qui a bien voulu prescrire la résolution de ce problème.
En exécution des très Hautes Instructions Présidentielles transmises par correspondance n°256/CM/CAB4/PR du 17 mars 2014, Madame la Ministre des Domaines d’alors a, par lettre n°004347/Y7/MINCAF/SG/D6/CER du 23 juin 2015 (pièce jointe n°5), prescrit à Monsieur le Préfet du Département du Mfoundi, la création d’une Commission ad hoc d’enquêtes foncières chargée de vérifier les fondements des revendications des Emveng. Cette Commission sera créée par Arrêté Préfectoral n°00001362/AP/J06/SAAJP du 30 novembre 2015 (pièce jointe n°6). Et par respect pour l’indispensable caractère contradictoire de toute enquête foncière, le Préfet demandera à Monsieur le Ministre Délégué à la Présidence Chargé de la Défense d’envoyer des représentants au sein de ladite commission. En réponse, ce dernier, par correspondance du 04 novembre 2015 (pièce jointe n°7), désignera deux officiers en service à la Direction des Domaines Militaires.
Cette Commission tiendra sa première réunion au cabinet du Général, Commandant de la Brigade du Quartier Général de Yaoundé et elle rendra sa copie sous forme de procès-verbal le 19 octobre 2017 (pièce jointe n°8) ; document dans lequel les revendications des Emveng seront reconnues comme fondées. Des propositions concrètes seront formulées à l’attention de la Ministre des Domaines et à son homologue de la Défense.
Ledit procès-verbal sera expressément notifié au Ministère de la Défense par correspondance n°00000082/L/JO6/SAAJP du 14 mars 2018 (pièce jointe n°9).
C’est à la suite de ces recommandations que le Ministre en chargé des Domaines prendra l’arrêté n°036/MINDCAF/CAB/A010 du 22 août 2019, portant rectification du Titre Foncier n°3649/MEFOU appartenant à l’Etat du Cameroun pour le ramener à sa base légale, reversant ainsi 35 hectares dans le domaine national tout en ouvrant la possibilité d’immatriculation au profit des propriétaires coutumiers légitimes. Ce qui a été fait, aboutissant à l’établissement de neuf (09) Titres Fonciers sur une parcelle totale de 18 ha, celle qui était encore libre d’occupation. Etant entendu, au terme du procès-verbal de la Commission Ad hoc, que les 17 ha restant sur les 35 ha, mais déjà occupée par les installations militaires, devaient faire l’objet d’une indemnisation. Celle-ci reste attendue à ce jour.
Revenant au communiqué objet du présent droit de réponse, il nous semble important de relever que :
1- Le périmètre de sécurité du quartier général a été doublement clôturé depuis 30 ans. Il est curieux d’entendre que ce périmètre se situe désormais en dehors de l’espace des deux clôtures.
2- Le Comité Interministériel AD HOC trouve naissance dans le communiqué n° 000152/CP/ MI /DEF / 019 ou alors il a été créé et a travaillé dans le plus grand secret, à l’insu des personnes concernées bénéficiaires ???
3- S’agissant des titres fonciers qui feraient l’objet d’une enquête du MINDEF, nous croyons savoir que c’est le MINDCAF qui est compétent en la matière. Il est alors loisible d’aller vérifier l’authenticité de nos titres de propriété dans les registres de la conservation foncière du Mfoundi ‘C’.
4- Le prétexte sécuritaire évoqué semble n’être valable et pertinent que sur les parcelles couvertes par les titres fonciers appartenant aux autochtones. Par contre, aucun risque sécuritaire n’est à l’ordre du jour ni pour le Tribunal Militaire de construction très récente, ni pour l’Ambassade de France, ni pour la résidence de Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, ni pour l’Eglise Catholique, ni pour l’école primaire du Camp GENET, ni pour l’école Fustel des Coulanges, ni pour l’INUCASTY, ni pour les garages et laveries automobiles qui foisonnent aux alentours ; sans oublier les membres des familles de civils qui s’installent spontanément, confortablement et impunément. Ceci dure curieusement depuis l’année 2015.
5- L’Explosion évoquée dans le communiqué nous laisse penser que, si cette poudrière existait encore ici, et si elle était réellement aussi dangereuse qu’indiqué dans le Communiqué, c’est la poudrière qui devrait logiquement déménager. La sécurité de tous serait ainsi suffisamment garantie.
En conclusion, la communauté EMVENG qui a tout perdu au fil des générations dans le Mfoundi, tient à faire respecter ses droits. En effet, lorsqu’une administration a besoin de ressources foncières, la réglementation du Cameroun a prévu des procédures qui permettent d’éviter ces malheureux incidents préjudiciables à l’image de notre pays.
En conséquence, nous en appelons à la Haute Hiérarchie, en particulier à Son Excellence Monsieur le Président de la République, afin que justice soit rendue aux EMVENGS autochtones de Yaoundé.
Pour les EMVENGS
Le Chef du Troisième de degré d’Olézoa
Pie NDEMBA