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Preuve en justice pénale : l’impact social de l’expertise d’un Commissaire divisionnaire interpelle l’Etat du Cameroun

Jean Pierre Moutassi a donné une conférence publique, le 20 juin 2024 à Yaoundé, sur le thème : « Administration de la preuve en justice pénale ». La problématique a fait l’objet d’un exposé-échanges, qui requière l’encadrement légal de la scène de crime. Si la justice camerounaise veut juguler la condamnation des innocents.

L’ambiance était particulière au grand amphithéâtre de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (Enam), le 20 juin 2024. Et pour cause, l’espace a servi de théâtre d’une conférence publique sur le thème : « L’administration de la preuve en justice pénale ». Une initiative du Commissaire divisionnaire, Jean Pierre Moutassi.

Pendant plus de 02 heures d’horloge, le criminaliste et écrivain a tenu en haleine officiers de police judiciaire, juristes de haut vol, journalistes et autres étudiants de la prestigieuse institution venus prendre part à ce banquet du savoir scientifique.
De son exposé qui cèdera la place aux échanges, l’on retiendra que le Commissaire divisionnaire s’est voulu démonstratif et interpellateur face aux enjeux sociaux de la justice pénale.

« Cette conférence se tient à un moment où on enregistre de plus en plus des erreurs judiciaires. Il était question de nous adresser aux officiers de police judiciaire et aux magistrats, pour l’amélioration de la qualité des procédures et des procès », a indiqué Jean Pierre Moutassi, face aux professionnels de médias.


Selon le criminaliste et écrivain, « On ne peut pas retrouver une empreinte digitale ou génétique sur une scène de crime et l’attribuer à une autre personne. Elle désigne directement le criminel. Donc, il y a une certaine objectivité. Ça permet aussi d’éviter la manipulation des éléments d’enquêtes. Car, on reproche aux officiers de police judiciaire et magistrats d’être corrompus. La preuve scientifique vient ainsi résoudre ce problème. Mais, lorsqu’il y a des présomptions, cela génère des spéculations qui peuvent tromper. Donc, avec la preuve scientifique, la vérité jaillit et on condamne le bon criminel », a-t-il fait savoir.


Sur la présence sur la scène de crime de certaines personnalités peu assermentées, le criminaliste est formel : « Je le dis et je le répète, la criminalistique a des lois qui épousent celles de la justice. La scène de crime est divisée en trois parties. D’abord, la zone d’exclusion judiciaire réservée au technicien en identification criminelle qui doit prélever les traces et les indices, au médecin légiste qui doit constater que la victime est effectivement décédée, et au photographe qui doit fixer la scène de crime pour que, plus tard, lorsque les enquêteurs seront dans leurs bureaux, ils puissent étudier la scène de façon minutieuse, parce qu’il s’agit des crimes de sang, violents. Ensuite, il y a la zone d’isolation pour protéger les indices au niveau de la zone d’exclusion. Car parfois, il y a des éléments dispersés dans la zone d’isolation. Enfin, il y a la zone de dissuasion qui protège les deux premières zones.

Et, c’est à ce niveau qu’on met les éléments de la police et de la gendarmerie, pour interdire l’accès à cette zone », a-t-il expliqué, avant de poursuivre : « Un officier de police judiciaire déloyal est celui qui collecte la preuve avec des moyens frauduleux, c’est-à-dire qu’il entre dans une maison pour faire une perquisition alors qu’il a par exemple du chanvre indien dans sa poche qu’il dépose pour accuser le mis en cause.

L’Adn, par exemple, doit être collecté avec l’assentiment du suspect. Si l’on trouve des moyens peu orthodoxes pour l’obtenir, le juge ne peut pas l’utiliser».

Intime conviction du juge

Pour que le juge se fasse une intime conviction, « Il faut les autres éléments qui apportent la valeur probante de ce qu’on a retrouvé ».


Sur l’objectif de sa démarche, le Commissaire divisionnaire dit procéder de la sensibilisation devant aboutir à une prise de conscience des acteurs de la justice pénale face aux attentes des justiciables : « Je suis technicien. Mon devoir, c’est de dire à l’autorité ce qu’il faut faire. J’apporte mon expertise sur la procédure pour qu’on condamne le bon criminel. La contribution que j’apporte est très grande. Il faut lire mon ouvrage sur « Les techniques d’enquête criminelle ». C’est une série de 05 ouvrages, qui traite de toutes les questions des enquêtes criminelles.

En les lisant, on ne commettra plus d’erreurs dans la collecte et la transmission des éléments de preuves. Nous faisons la sensibilisation qui part de l’Enam, où nous donnons cette conférence publique et où on forme les magistrats. J’ai toujours plaidé pour que le cours de criminalistique soit instauré à l’Enam. Lorsque nous allons au Palais de justice, dès qu’on parle d’une affaire d’arme à feu, par exemple : tir à bout touchant, le magistrat hésite un peu, parce qu’il n’a pas compris.

Or, si on lui apprend ce que c’est un tir à bout touchant, un tir à distance intermédiaire et à quoi cela renvoie, je crois qu’à ce niveau, il n’y aura plus de problème. Ce que nous avons toujours voulu, c’est que les Opj et les magistrats parlent le même langage. On ne demande pas au procureur d’être technicien de scènes de crimes, mais il doit avoir des prérequis.

Tout comme le juge, parce qu’on ne peut pas prendre une décision dans une affaire qu’on ne comprend pas. Même s’il doit commander une expertise, il faut que le juge soit capable de poser des questions, qu’il soit capable de lire un rapport d’expertise et le comprendre, qu’il soit capable de le critiquer.

Mais, si le juge n’a pas de leçons de criminalistique, il va prendre tout ce qu’on lui donne », regrette le criminaliste et écrivain.

Attentes

« Nous voulons que la scène de crime soit encadrée par une loi. En France, par exemple, si on franchit une scène de crime sans avoir attendu que les constatations soient faites, on s’expose à des sanctions pénales ou pécuniaires, parce que lorsqu’on pollue la scène ou déplace un objet sur la scène de crime, cette personne encoure des sanctions. Et nous aimerions que cela soit pareil au Cameroun. Pour la judiciarisation des éléments de preuves du terrorisme, il y a six étapes universelles. Pour relier les commanditaires, c’est l’investigation numérique qui intervient », enseigne le Commissaire divisionnaire.


Il faut rappeler que le Commissaire divisionnaire, Jean Pierre Moutassi, est auteur des ouvrages intitulés : « Les techniques d’enquête criminelle »-Typologie des crimes et constatations médico-légales, publié en 2017 aux éditions L’Harmattan, et « Epilogue d’une guerre clandestine-Verdict sur le génocide français au Cameroun (1954-1964) », publié en 2020-L’Harmattan Cameroun.

Bertrand TJANI

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