
Au Cameroun, le retour triomphal est devenu une arme symbolique de pouvoir, réservée au chef de l’État et jalousement protégée par le régime contre toute tentative d’usurpation.
De Ruben Um Nyobè à Paul Biya, le Cameroun a développé une tradition très codifiée du retour triomphal, véritable mise en scène politico-symbolique autour du déplacement de figures charismatiques. L’expression tire sa force de l’histoire antique du triomphe impérial et s’est enracinée dans l’imaginaire national à travers des figures telles que Um Nyobè, acclamé à son retour de New York dans les années 50 malgré les obstacles coloniaux.
Sous Ahmadou Ahidjo, cette pratique devient étatique : ses voyages à l’étranger et leurs retours sont couverts par Cameroon Tribune dans un ton laudateur, alimentant le syndrome du “yayato”, cette ferveur populaire quasi-mystique à chaque retour du chef.
Avec Paul Biya, le retour triomphal
devient un monopole présidentiel – amplifié par ses innombrables séjours privés à l’étranger. Les médias d’État et la machine administrative orchestrent chaque retour comme une résurrection, au point que l’adjectif “triomphal” devient une constante éditoriale.
Mais gare à ceux qui veulent briser ce monopole ! Le professeur Maurice Kamto, de retour d’un meeting à Paris, fait l’objet de mesures sécuritaires strictes visant à empêcher un accueil populaire. Car dans la logique du régime, seuls le président et les Lions Indomptables peuvent bénéficier de tels honneurs publics. Toute autre tentative est perçue comme un sacrilège politique.
En somme, au Cameroun, le retour triomphal n’est pas un droit : c’est un privilège réservé aux détenteurs de la légitimité d’État ou de la gloire sportive.
Gerald Nyatte