Le Pape François a célébré, le 15 novembre à la basilique Saint-Pierre, une messe à l’occasion de la Journée mondiale des Pauvres. Dans son homélie, il a développé une réflexion sur le sens de la parabole des talents, tirée du 25e chapitre de l’Évangile selon Saint Matthieu.
«Pour nous aussi, tout a commencé avec la grâce de Dieu qui est Père et qui a mis dans nos mains beaucoup de biens, en confiant à chacun divers talents», a expliqué François en mettant cette parabole en lien direct avec la vie des hommes : «Nous sommes porteurs d’une grande richesse, qui ne dépend pas de tout ce que nous avons, mais de ce que nous sommes : de la vie reçue, du bien qu’il y a en nous, de la beauté qui ne peut être supprimée dont Dieu nous a dotée, parce que nous sommes à son image, chacun d’entre nous est précieux à ses yeux, unique et irremplaçable dans l’histoire».
Le Pape a insisté sur la stérilité des regrets que l’on a parfois tendance à cultiver avec complaisance, plutôt que d’investir sur ses capacités : «Si seulement j’avais cet emploi, si seulement j’avais cette maison, si seulement j’avais de l’argent et du succès, si seulement je n’avais pas ce problème, si seulement j’avais de meilleures personnes autour de moi !… » L’illusion du « si seulement » nous empêche de voir le bien et nous fait oublier les talents que nous avons. Mais, Dieu nous les a confiés parce qu’il connaît chacun d’entre nous et sait de quoi nous sommes capables ; il nous fait confiance, malgré nos fragilités. Il fait aussi confiance à ce serviteur qui cachera le talent : il espère que, malgré ses peurs, lui aussi utilisera bien ce qu’il a reçu. En somme, le Seigneur nous demande d’utiliser le temps présent sans nostalgie pour le passé, mais dans l’attente active de son retour», a insisté le Pape.
Ne pas se complaire dans une attitude trop prudente
«Dans l’Évangile, les bons serviteurs sont ceux qui risquent. Ils ne sont pas circonspects et méfiants, ils ne conservent pas ce qu’ils ont reçu, mais l’utilisent. Parce que le bien, s’il n’est pas investi, se perd; parce que la grandeur de notre vie ne dépend pas de ce que nous mettons de côté, mais du fruit que nous portons», a insisté François.
Dans cet extrait de l’Évangile, «les serviteurs qui investissent, qui risquent, par quatre fois sont appelés « fidèles » (vv. 21.23). Pour l’Évangile, il n’y a pas de fidélité sans risque. Etre fidèles à Dieu c’est dépenser sa vie, c’est laisser bouleverser ses plans par le service. C’est triste quand un chrétien joue sur la défensive, en s’attachant seulement à l’observance des règles et au respect des commandements. Ceci ne suffit pas, la fidélité à Jésus n’est pas seulement de ne pas commettre des erreurs», a insisté l’évêque de Rome. Le Pape a ainsi dénoncé les chrétiens trop «mesurés», qui se focalisent sur le respect des règles mais qui finissent par devenir rigides comme des «momies».
Le serviteur paresseux, dans cette parabole, n’a certes «rien fait de mal! Oui, mais il n’a rien fait de bien. Il a préféré pécher par omission plutôt que risquer de se tromper. Il n’a pas été fidèle à Dieu, qui aime se dépenser; et il lui a fait la pire des offenses: lui restituer le don reçu. Le Seigneur nous invite par contre à nous mettre généreusement en jeu, à vaincre la crainte par le courage de l’amour, à dépasser la passivité qui devient complicité.»
S’enrichir dans l’amour et non dans l’accumulation de biens
Les banquiers dont il est question dans l’Évangile du jour sont les pauvres: «Ils nous garantissent un revenu éternel et nous permettent dès maintenant de nous enrichir dans l’amour. Parce que la plus grande pauvreté qu’il faut combattre est notre pauvreté d’amour. Le Livre des Proverbes loue une femme laborieuse dans l’amour, dont la valeur est supérieure aux perles: il faut imiter cette femme qui, dit le texte, « tend la main au malheureux »(Pr 31, 20). Tends la main à celui qui est dans le besoin, au lieu d’exiger ce qui te manque: ainsi tu multiplieras les talents que tu as reçus», a expliqué François. Et aujourd’hui, plutôt que de se demander ce qu’on l’on pourra acheter pour Noël, il vaut mieux se poser la question «Qu’est-ce que je peux donner aux autres, pour être comme Jésus, qui s’est donné lui-même».
«À la fin de la vie, la réalité sera dévoilée : la fiction du monde selon laquelle le succès, le pouvoir et l’argent donnent sens à l’existence, déclinera, pendant que l’amour, celui que nous avons donné, émergera comme la vraie richesse.» «Demandons la grâce de voir Jésus dans les pauvres, de servir Jésus dans les pauvres», a exhorté François.
En conclusion de son homélie, le Pape a remercié «les nombreux fidèles serviteurs de Dieu, qui ne font pas parler d’eux, mais qui vivent ainsi», en évoquant notamment l’abbé Roberto Malgesini, un prêtre assassiné à Côme, au nord de l’Italie, le 15 septembre dernier, et qui avait consacré sa vie aux sans-abri et aux personnes marginalisées. «Ce prêtre ne faisait pas de théories ; simplement, il voyait Jésus dans le pauvre et le sens de la vie dans le service. Il essuyait les larmes avec douceur, au nom de Dieu qui console. Le début de sa journée était la prière, pour accueillir le don de Dieu; le centre en était la charité, pour faire fructifier l’amour reçu; la fin un limpide témoignage de l’Évangile. Il avait compris qu’il devait tendre la main aux nombreux pauvres qu’il rencontrait quotidiennement, parce qu’il voyait Jésus en chacun d’eux.»
«Demandons la grâce de ne pas être des chrétiens seulement en paroles, mais aussi dans les faits. Afin de porter du fruit, comme le désire Jésus», a conclu le Pape François.
À la fin de la célébration, des denrées alimentaires ont été distribuées aux personnes démunies aux abords de la place Saint-Pierre.
Gaby YAN