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Jean-Pierre Moutassi : le haut cadre de police fait des révélations troublantes sur le génocide français au Cameroun.

Auteur de l’ouvrage intitulé : « Epilogue d’une guerre clandestine-Verdict sur le génocide français au Cameroun (1954-1964) », publié en 2020 aux éditions l’Harmattan Cameroun, Jean-Pierre Moutassi, à travers un entretien accordé récemment à Wafrica Tv, replonge ses lecteurs dans l’univers des annéesde braises : 1954-1964. A la suite d’un désaccord autour d’une indépendance controversée, rappelle le fonctionnaire de police, la France a commis un génocide au Cameroun dans une guerre clandestine, qui a fait des centaines de milliers de victimes.Le livre révèle que la décolonisation du Cameroun s’est faite dans un bain de sang. Dans tout le Sud Cameroun, précise-t-il, principalement dans les régions de la Sanaga-Maritime, l’Ouest, le Moungo, le Nkam, les villes de Douala et Yaoundé, les nationalistes camerounais,regroupés au sein de l’Union des Populations du Cameroun, armés de vieux fusils de chasse, des lances et des machettes, affrontaient la puissante armée coloniale dotée d’avions de chasse, de mortiers, de chars et de fusils d’assauts.Le bilan de ce conflit armé est assez effroyable : plus de 500.000 victimes en 10 ans, un vrai carnage !Sous d’autres cieux, relève l’écrivain, les crimes d’une telle ampleur sont le plus souvent à la base de la création des tribunaux pénaux internationaux. Le Cameroun n’a pas eu ce privilège, regrette-t-il. Pour éviter un procès devant les instances internationales, renchérit-il, la France s’est évertué à surfer tantôt sur le négationnisme, tantôt sur le révisionnisme, tentant de faire croire qu’il ne s’est rien passé au Cameroun ou peu de choses. Ce volumineux ouvrage,à lire absolument,recoupe ainsi les faits réels qui sont substantiels, pour une réévaluation de ce crime contre l’humanité. Ces faits, martèle-t-il, bien qu’ils aient été clandestins, restent des faits. Il s’agit de faire de cet ombre, dans la mémoire du peuple, un fait d’histoire, pense le fonctionnaire engagé.

Pourquoi épilogue ? Est-ce qu’en 1964, la guerre était finie ?

L’épilogue, parce que la guerre est à la fin. Et, depuis que cette guerre s’est déroulée dans notre pays (Cameroun : Ndlr), il n’y a jamais eu l’état des lieux. Il y a eu des publications à ce sujet, qui ont été faites sous un prisme purement historique. J’ai abordé ce sujet dans un sens purement juridique, pour démontrer qu’il y a eu crimes de guerres, crimes contre l’humanité et génocide au Cameroun d’après ce que dit le Droit international. En 1964, le Général Max Bryant, qui était le Commandant du Groupement tactique du Nord installé dans les zones du Mongo, de l’Ouest et de Douala, avait déjà plié bagages avec son armée. C’est ce qui marque aussi la fin des bombardements dans la zone de l’Ouest et le retrait des armes lourdes à ce moment-là.

Est-ce que cette guerre était véritablement clandestine?

La guerre a été clandestine, parce qu’officiellement, il n’y a jamais rien eu au Cameroun. Vous allez consulter tous les livres d’histoire, tous les rapports officiels, vous ne verrez jamais qu’il y a eu une guerre au Cameroun, qui a fait des centaines de milliers de victimes.C’est pour cela que nous avons parlé de la clandestinité. Al’époque, même les journaux qui étaient derrière le parti communiste français ou le parti socialiste, lesquels sont d’ailleurs cités dans le livre, ne relayaient pas les informations qui venaient du Cameroun. Bien au contraire, les patrons d’éditions de ces journaux étaient du côté de l’armée coloniale et l’administrationfrançaise.

Est-ce que ce n’est pas assez grave de parler d’un génocide ?

Ce n’est pas grave. Ce sont les faits qui nous ont conduits à conclure à un génocide. D’après le Droit international, le génocide peut se faire de deux manières, soit de manière passive. Dans le cas du Cameroun, l’administration coloniale affamait des populations, soit par des épidémies, c’est-à-dire qu’on laisse des épidémies se propager dans un secteur et ça tue des populations en masses. Mais, la forme de génocide la plus connue et la plus violente, c’est lorsqu’on utilise des armes non conventionnelles. Vous allez trouver que dans cette guerre qu’il y a eu au Cameroun, le napalm a été utilisé, les munitions de 12,7 ont été utilisées. Ce sont des munitions qui peuvent déchiqueter un être humain. Et vu le nombre de personnes victimes, je cite souvent le cas de Srebrenica en ex-Yougoslavie, où il n’y a eu que 6.000 musulmans tués. Mais, cela a donné lieu à un procès, un tribunal pénal international qui a jugé des responsables de ces massacres. Or, au Cameroun, lorsqu’on regarde les statistiques qui ont été recueillies, c’est plus de 10 fois plus. Donc, le Cameroun doit également bénéficier d’un tribunal pénal international dans lequel cette question doit être examinée.

Vous indexez la responsabilité de l’Etat français. Qu’en est-il de celle de l’Etat du Cameroun ?

A l’époque, l’Etat du Cameroun n’était pas. Lorsque les massacres commencent en 1954, c’est monsieur Roland Pré, qui est commissaire de la république française au Cameroun. Lorsqu’il est muté, c’est Pierre Messmer qui le remplace et qui va passer à la vitesse supérieure. Vous allez voir que tous les éléments constitutifs de l’infraction du génocide sont réunis. Il y avait les déportations, les refoulements des populations, les déplacements forcés des populations. Tout ça, ce sont des crimes de guerres.Vous allez observer, et c’est d’ailleurs mentionné dans le livre, qu’en 1960-1964, c’est monsieur Jean Pierre Bénard qui dirigeait le Cameroun. Malheureusement, les dirigeants camerounais, à l’époque, n’avaient pas de pouvoir en réalité. C’est monsieur Jean Pierre Bénard qui était l’ambassadeur de France au Camerounet les Français, parce qu’ils étaient dans toutes les administrations.Vous allez lire l’histoire, vous verrez que monsieur Sadou Daoudou, était ministre des armées. En réalité, son travail était fait par le Colonel Jean Victor Blanc, qui prenait toutes décisions. S’il vivait aujourd’hui, il aurait témoigné de toutes les instructions qu’il avait données.Donc, lorsque je dis 1954, c’est parce que c’est à cette époque que commence la répression des manifestations publiques. Et, 1964correspond à l’arrêt des bombardements et le retrait des armes lourdes dans le pays bamiléké.

Lorsque la Société des Nations confie le jeune Etat à la France et à l’Angleterre, c’est pour préparer ce territoire à la souveraineté nationale et internationale. Mais, au lieu de faire cela, ils se sont mis à exploiter les richesses du sol et du sous-sol camerounais. Cela veut donc dire qu’au moment de l’indépendance, la France n’a préparé personne, pour gérer un Etat moderne. Vous allez voir que dans les administrations, il y a des Français jusqu’aux rangs de chefs de services. C’est en réalité les Français qui prennent toutes les décisions. Il y a l’exemple du Ministre Wonyou, qui a convoqué un fonctionnaire français dans son bureau et celui-ci a répondu qu’il n’avait pas affaire au Président Ahidjo et qu’il n’avait pas affaire au Ministre Wonyou. Il rendait compte directement à sa hiérarchie. Donc, en ce moment, les dirigeants camerounais n’avaient pas encore les coudées franchesdans les administrations. C’est au fil du temps que cela est arrivé. A mon avis, j’ai estimé qu’on ne pouvait vraiment pas imputer ces massacres à l’administration camerounaise de l’époque. Et, jusqu’aujourd’hui, comment agit la France ? Lorsqu’on vous dit de faire quelque chose, même si vous êtes chef d’Etat, si vous refusez, il y a des méthodes. On vous envoie bokoharam, on vous envoie l’Etat islamique…pour venir vous déstabiliser. Et le jeune pouvoir, qui avait besoin de la France à l’époque, ne pouvait vraiment pas ramer à contrecourant.

N’y a-t-il pas une sorte de responsabilité morale à imputer à l’Etat du Cameroun ?

Bien ! Ce sujet, je l’ai laissé aux historiens, qui vont l’exploiter à leur guise.

Est-ce que vous ne prenez pas un risque en tant que fonctionnaireen publiant un tel brûlot ?

Pas du tout, parce qu’il n’y a aucun texte qui l’interdit ! Et puis, moi, je suis un patriote, un nationaliste, j’aime mon pays et je ne souhaite que le meilleur, tout le meilleur à mon pays. Et lorsqu’il y a des questions brûlantes comme celles-ci et que je constate que mes compatriotes ne s’y intéressent pas, je suis un peu gêné, parce qu’en principe, il ne revenait pas à un fonctionnaire d’évoquer ce type de sujet. Des spécialistes, des historiens l’ont évité. Mais, nous ne devons pas baisser les bras. Car, chacun a une mission sur terre quand il vient. Lorsque vous êtes né dans un pays, vous avez une ou plusieurs missions et il faut les accomplir.

Le mot de fin…

C’est que chaque Camerounais achète l’ouvrage, qu’il l’exploite. C’est un corpus pour les chercheurs. A la fin, l’objectif est la reconnaissance du génocide français au Cameroun. Que cela soit effectif. On a vu en Algérie, où récemment les crânes ont été rendus, parce queles Algériens tiennent à leur histoire. J’ai voyagé dans certains pays,où l’histoire est sacrée. Et, l’histoire peut faire gagner beaucoup d’argent à un pays. C’est-à-dire qu’en exploitant son passé historique, il peut attirer des touristes qui peuvent apporter des devises. Donc, l’histoire a une dimension économique très importante. Et, comme nous avons besoin de nous développer, le Chef de l’Etat, Paul Biya, a fixé le cap sur l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Je crois que c’est un sujet qui peut également contribuer à cette émergence.

Pour besoin d’informations bien vouloir appeler au numéro 673919203

Décrypté par Bertrand TJANI

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