L’expert international de la diaspora camerounaise établi en Grande Bretagne, qui participe au Forum économique de Douala du 24 au 27 mai prochain, revient, à la faveur d’une interview accordée à la Cameroon Radio Television, sur les perturbations liées à l’approvisionnement des hydrocarbures à travers le monde et au Cameroun, du fait de la crise ukrainienne, non sans proposer au gouvernement de la république des solutions alternatives.
Le Cameroun a connu récemment des perturbations dans l’approvisionnement des produits pétroliers. Charmant Ossian, vous êtes expert international en pétrole et gaz. Qu’est-ce que cela vous a inspiré comme commentaire et lecture ?
Naturellement, je suis avec une attention particulière tout ce qui peut se passer au Cameroun et même au-delà, parce que ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine impacte directement aussi le Cameroun. Je crois que c’est l’une des raisons. D’ailleurs, on pourrait dire que la pénurie qu’on a ressentie au Cameroun tire sa source plutôt de ce qu’on connait aujourd’hui, la crise en Ukraine. Bien plus, le Cameroun n’a pas de raffinerie. Donc, on comprend pourquoi, de manière stratégique, malgré les réserves qu’on pourrait avoir, on ne pouvait prévoir ce qui était en train de vouloir se passer.
On n’était pas encore au stade de la pénurie, on a géré ce qu’on a appelé ici la rareté. Maintenant, sur le plan international, vous avez dit que c’est la crise en Ukraine qui est la cause de cette rareté. Est-ce l’approvisionnement en produits pétroliers se ressent de la même manière en Europe ?
Bien sûr ! Aujourd’hui, lorsque je vais à la pompe, je dépense environ 150 livres sterlings. Or, il y a quelques mois, pour faire le plein de ma voiture en gasoil, je dépensais approximativement 78 livres sterlings. Il faut comprendre que les coûts ont sensiblement doublé.
Donc, il y a une inflation réelle chez vous ?
Oui ! Il n’y a pas qu’en Grande Bretagne, il y a une inflation réelle partout en Europe.
Le regard de l’expert en pétrole et gaz, c’est quoi cette affaire-là ? Comment est-ce que ce problème peut être réglé à court, moyen ou long termes ?
A court terme, il faudrait que les hostilités qui se passent aujourd’hui en Ukraine puissent prendre fin. A long terme, il va peut-être falloir commencer à développer davantage des énergies alternatives. Naturellement, revenant sur le cas camerounais avec ce qui a failli se passer, il faudrait peut-être qu’on tienne compte qu’il est temps de réhabiliter la Sonara (Société Nationale de Raffinage : Ndlr), pourquoi pas de construire de nouvelles raffineries.
Vous avez parlé d’énergies alternatives. Qu’est-ce que le Cameroun peut développer comme possibilités ?
Nous avons l’énergie solaire. C’est vrai que nous n’avons pas encore développé des voitures qui vont à l’énergie solaire, mais il y a des possibilités d’avoir déjà ce genre de voitures en Occident, c’est aussi possible en Afrique. Maintenant, pour certaines activités, on peut ne plus avoir besoin du gasoil qu’on utilise aujourd’hui pour alimenter les entreprises, on peut utiliser le système solaire. C’est une alternative pour ma part. Naturellement, il y a le gaz. Donc, on peut l’exploiter et le transformer localement en énergie électrique et pour les ménages.
Le chef de l’Etat a instruit la réhabilitation de la Sonara. Vous qui êtes à Birmingham, proche de Londres, l’endroit où on lève le plus de capitaux sur le marché financier au plan mondial, est-ce que vous pouvez apporter une contribution à la perspective de partenariat public-privé pour réhabiliter la Sonara ?
J’apprends qu’on veut réhabiliter la Sonara. C’est une excellente nouvelle. Maintenant, il faudrait que l’implémentation se fasse dans les meilleurs délais, c’est-à-dire dans des délais très réduits, car il s’agit d’une structure très stratégique dans un secteur aussi très stratégique pour que le Cameroun reprenne ses activités. L’on est aussi sans ignorer que depuis le sinistre de la Sonara, le Cameroun dépend à 100% des importations de tout ce qui est produits finis des hydrocarbures. Ce qui est une poche de fuite des capitaux pesant sur la balance commerciale. Il y a donc la nécessité non seulement de réhabiliter la Sonara, mais bien plus de faire une extension et pourquoi pas une seconde raffinerie. Pour répondre précisément à votre question, lorsqu’on a entamé la seconde phase de l’extension de la Sonara, effectivement j’avais été impliqué à la recherche des partenaires. J’avais des partenaires à cette époque-là. Mais, il y a eu un souci de lenteurs administratives que l’on peut connaitre un peu partout. Malheureusement, juste un peu après, il y a eu le sinistre de la Sonara. Donc, à un moment, oui il y avait des partenaires, et il y a encore des possibilités de lever des fonds. Si j’ai la documentation nécessaire, pourquoi pas essayer de rappeler quelques-uns que j’ai à ma disposition.
Le chef de l’Etat interpelle la diaspora camerounaise pour cette perspective-là. On a cru savoir que vous êtes au Cameroun au mois de mai courant. Est-ce que ce sera pour parler des enjeux de l’industrie des hydrocarbures ?
Je serai au Cameroun à la fin du mois de mai, précisément du 24 au 27 mai, au Forum économique de Douala. Et j’aurai le privilège d’animer un site event, où nous allons parler des hydrocarbures, les défis et les opportunités non seulement globalement, mais également dans le cadre de la zone Cemac, le Cameroun faisant partie de cette zone. Oui ! Je serai là pour partager mon expérience. Que tous ceux qui sont intéressés par la question se rapprochent des organisateurs, qui devront voir dans quelles mesures on pourra échanger. Il n’y a pas que ceux qui sont dans l’industrie, il y a aussi l’administration qui pourrait, je crois bien, bénéficier de nos échanges.
Qu’est-ce que le side event ?
Le side event ou le dîner d’affaires du 27 mai 2022 de la 2e édition du Forum économique de Douala, placée sous le thème : « Financement et partenariats pour l’émergence de la capitale économique », se tient dans un contexte particulier où l’intelligence économique et la géostratégie mondiale se joue sous le prisme de l’énergie et particulièrement des hydrocarbures avec la crise russo-ukrainienne, avec une consommation mondiale de 92 millions de barils par jour, soit 500 milliards de tonnes de pétrole consommé par jour en 2021. La Russie étant le 2e producteur mondial, la Chine en 5e position et les Etats-Unis comme premier producteur et premier consommateur en 2021. Qu’en sera-t-il en 2030 pour le monde, pour l’Afrique et pour le Cameroun ? Nous aurons l’occasion de mener une intelligence économique et géostratégique mondiale avec une réflexion sur l’industrie des hydrocarbures au cœur de l’économie mondiale, les opportunités dans l’industrie des hydrocarbures, les hydrocarbures dans leur rôle géostratégique, le développement des stratégies pour réduire la dépendance. Il faut relever qu’aucun pays de nos jours ne peut remplacer le pétrole, car il intervient dans quatre secteurs clef, les transports routier, aérien, maritime, et dans l’industrie pétrochimique. Alors, l’énergie du pétrole est unique et essentielle. Personne ne peut s’en passer. Nous aurons donc l’occasion d’en discuter. Je tiens à préciser que le side event aura lieu à l’hôtel Kristal, le 27 mai 2022, sur invitation dès 18 heures. Ses articulations porteront sur l’industrie des hydrocarbures face aux changements climatiques, les enjeux et défis pour la zone Cemac, et l’industrie minière et la négociation des contrats miniers.
Comment peut-on entrevoir l’avenir après la crise des hydrocarbures ?
L’industrie des Hydrocarbures, c’est-à-dire le pétrole et le gaz est le cœur de l’économie mondiale. Chiffre d’affaires, 4000 milliards de dollars par an, rien que pour le pétrole, et 2000 milliards de dollars pour le gaz. C’est de loin l’industrie la plus importante au monde. Par conséquent, les hydrocarbures présentent un enjeu important dans le contexte actuel. Si on suppose que le prix du baril s’arrêtait à 110 dollars en moyenne, cela représenterait 0,4 point de croissance en moins en 2022 avec une hausse de 20% sur les matières premières. En à peine 150 ans, la production et la consommation des hydrocarbures augmentent sans cesse. Année après année, nous utilisons sans compter ce que la terre a mis des millions d’années à créer.
Le pétrole et le gaz sont-elles des énergies inépuisables ?
L’Agence Internationale de l’Energie dévalue les émissions mondiales du Co2 dues à l’exploitation des hydrocarbures à 11415 millions de tonnes. Le pétrole n’est pas une source inépuisable. De nombreux spécialistes tirent la sonnette d’alarme. L’or noir pourrait venir à manquer. Devons-nous vraiment craindre la pénurie ? Quel est l’état réel des réserves mondiales ? Les progrès scientifiques et techniques pourront-ils prolonger l’âge des énergies fossiles ou devons-nous apprendre à vivre sans pétrole ? Autant d’interrogations qui nous interpellent tous. La véritable leçon que l’on pourrait tirer de ce qu’il est convenu d’appeler crise des produits pétroliers doit s’analyser froidement sous le prisme d’une réforme fondamentale de la politique énergétique de chaque pays. Il faut éviter le saupoudrage et aller réellement vers le développement des nouvelles énergies, pour gérer le manque ou la dépendance des produits dits classiques. Pour ce qui est du raffinage, point n’est besoin de rappeler la nécessité de réhabiliter la Sonara. Aux compétences en charge de mener à la réalisation de ce projet. Lorsqu’on est producteur de pétrole, il vaut mieux le transformer sur place.
Propos décryptés par Bertrand TJANI