L’année 2008 a été extrêmement mouvementée au Tchad. L’intense activité des groupes rebelles a plongé le pays dans une insécurité et une instabilité politique sans précédent depuis le début de la guerre civile en 2005. Or, ce conflit aurait bien pu aboutir à la fin du régime d’Idriss Déby, si le soutien de la France n’avait pas fait pencher la balance en sa faveur.
La France, qui est traditionnellement l’arbitre des prises de pouvoir au Tchad, est doublement présente dans son ancienne colonie. Elle perpétue une présence militaire quasi permanente depuis l’indépendance du Tchad en 1960, à travers notamment les 1.200 hommes et les moyens aériens dont elle dispose dans le cadre de l’opération Épervier. De plus, elle fournit le gros des troupes de la Force européenne de protection des réfugiés du Darfour (Eufor) dont les soldats français constituent l’ossature. En effet, celle-ci déploie actuellement 1.500 soldats français sur 2.700 dans l’Est du Tchad.
Au nom de l’accord de coopération militaire datant de 1976, la France reconnaît un soutien actif au gouvernement tchadien. Le porte-parole du ministère de la Défense français, Laurent Teisseire, concède que la France a fait « jouer son accord de coopération technique » en « acheminant des munitions destinées aux forces tchadiennes ». En effet, « le Tchad, qui détient des matériaux d’origine soviétique, a eu besoin de faire appel […] à des complétements de munitions », a-t-il expliqué.
Par ailleurs, l’armée française sécurise l’aéroport d’où décollent les hélicoptères tchadiens et où arrivent des munitions de la Libye. Et les vols de reconnaissance qui sont faits par les Mirages F1 français ont une grande importance stratégique, car ils permettent de fournir des renseignements primordiaux à l’armée tchadienne, notamment sur les positions et déplacements des forces rebelles.
La France est également présente au centre opérationnel tchadien qui se trouve au cœur même du palais présidentiel. Le chef de l’État est conseillé par des militaires français pour organiser la résistance. On trouve même parmi eux un officier de la DGSE (service secret français) chargé d’encadrer la garde présidentielle.
C’est donc le soutien français qui a permis au président tchadien de repousser miraculeusement, à la fin du mois de janvier 2008, les groupes armés de l’opposition. L’Alliance nationale (AN), une organisation formée par plusieurs groupes rebelles, traversait alors le pays en direction de la capitale. C’est à ce moment critique que le soutien discret, mais très efficace, de l’ancienne puissance coloniale a pris toute son importance.
Acculée par la rébellion autour du palais présidentiel de N’Djamena le 2 et 3 février, l’armée nationale tchadienne (ANT) a pu prendre le dessus grâce à ses T55, des vieux chars de fabrication soviétique d’une efficacité redoutable face à des rebelles équipés de lance-roquettes. C’est également grâce à ses hélicoptères, pilotés par des mercenaires, que le gouvernement put disperser les rebelles. Contre toute attente, Idriss Déby, qu’on a d’ailleurs vu lui-même défendre le palais présidentiel durant les événements, a réussi à mettre en déroute les 2000 rebelles qui ont assiégé la capitale.
Cependant, les rebelles n’en restèrent pas là. Après qu’ils se soient réunis pour s’entendre sur un nouveau dirigeant, les activités ont été relancées en juin 2008 par le général Mahamat Nouri. Une nouvelle irruption de rebelles tchadiens en provenance de leurs bases arrières du Darfour, à l’Ouest du Soudan, a de nouveau inquiété les dirigeants tchadien et français. Leur entrée en territoire tchadien, après de brefs combats, ressemblait à une démonstration de force militaire. Cette fois, ils semblent jouer au chat et à la souris avec les troupes gouvernementales, entrant dans une localité pour la quitter quelques heures plus tard.
D’après des sources militaires, les rebelles n’ont pas l’intention de cibler la capitale, mais de marquer leur territoire avant le début imminent de la saison des pluies, laquelle rend les mouvements plus compliqués. Après avoir pris la ville de Biltine, à une centaine de kilomètres au nord d’Abéché, la capitale régionale de l’est du pays, plusieurs autres villes auraient été conquises plus au sud. Selon Jérôme Tubiana, auteur d’un rapport récent sur le conflit au Tchad, les forces rebelles « testent aussi les réactions de l’Eufor et de la France ».
Aubin BEKONDE