Maurice Kamto, l’un des candidats à la présidentielle du 7 octobre dernier, a pris la parole devant l’instance hier mardi, afin d’appuyer sa requête en suspicion légitime portées contre certains juges.
“Honorable membres du Conseil constitutionnel,
Mesdames et Messieurs,
Je connais et j’ai le privilège de connaitre certains d’entre vous.
Ce qui est en cause ce matin, ce n’est pas vos compétences en tant que juristes ou magistrats, ce n’est pas votre intégrité personnelle. C’est le sentiment qu’un justiciable peut avoir face à une juridiction dont les membres, de part leurs fonctions, ne présentent pas du tout les garanties d’impartialité exigée par les instruments juridiques internationaux et la législation nationale. Je peux comprendre la gêne parce que cette question peut induire le sentiment qu’il y aurait d’emblée disqualification de quelques-uns d’entre vous à connaitre le contentieux qui vous a été soumis sur le fond.
Là n’est pas la question. La question c’est de savoir si à la fin de ce contentieux électoral, les justiciables que nous sommes à commencer par moi-même, mais également l’opinion nationale et éventuellement internationale, auront le sentiment que de hauts magistrats, d’honorables conseil à la Cour suprême qui, pour diverses raisons, se sont retrouvés membres d’un parti politique dont un des candidats à l’élection est une ’émanation, peuvent dans des conditions de sérénité, dans des conditions d’impartialité, rendre une décision qui ne souffre pas de suspicion légitime. Et à cette question, il n’y a que vous pour y répondre.
Mes avocats ont suffisamment exposé les raisons pour lesquelles qu’il y a une base juridique suffisante à ma saisine, pourquoi j’ai qualité à être partie à cette procédure. Il vous revient cette tâche cruciale de poser les jalons de la démocratie camerounaise dont vous êtes l’ultime régulateur car après tout, une élection peut se dérouler mais celui qui dit ultimement qui a été élu, c’est bien vous-mêmes.
Je n’ai pas ici l’occasion de revenir sur le sens et la portée de ma déclaration du 8 octobre. Il me suffit de dire, honorables membres du Conseil constitutionnel, je n’ai nullement eu le sentiment d’avoir enfreint une seule fois la loi. Ne serait-ce que parce que l’article 113 du Code électoral dit que les résultats des élections sont proclamés immédiatement à l’issue du décompte dans les bureaux de vote. Chacun peut faire la sommation et indiquer les tendances. Mais tout le monde sait, à commencer par moi-même, que vous seuls pouvez proclamer le vainqueur d’une élection.
Si je ferme cette parenthèse, je voudrais revenir substantiellement au sens de notre démarche. Ce n’est pas une défiance vis-à-vis du Conseil. Ce n’est même pas une défiance vis à vis des personnes interpellées. C’est simplement la soumission à votre auguste instance des faits et rien que des faits et c’est à vous-même d’examiner ces faits et savoir ce que vous voulez en faire. Comme on l’a dit tout à l’heure, nous aurions pu ne pas passer par cette phase de la procédure si ceux qui d’entre vous sont concernés par cette procédure de récusation avaient senti et trouvé la nécessité d’un déport.
Vous avez dit, Monsieur le président,
« Qui donc va recomposer le Conseil constitutionnel si d’aventure, notre requête devant vous prospérait ? » La même eau sentuvenant.
Mais il se trouve d’ailleurs que la même personne qui vous nomme était candidate à l’élection qui vient d’avoir lieu et on voit bien le caractère inextricable de notre système. Et si vous ne faites pas l’effort qui vous hisse, ô pas à la hauteur des dieux, on l’aurait voulu, mais quand même un tout petit peu en dessous d’eux, pour dire ici et maintenant ce qui va être la fondation de la démocratie camerounaise dans ses bases juridiques essentielles en disant dans ce cas si, bien que le président de la République qui nomme soit candidat à cette élection présidentielle, nous avons le devoir de contribuer à la stabilité et la paix dans notre pays en rendant la bonne décision dans cette affaire.
Ce n’est pas seulement une question de compétence. Quand on dit que vous avez la compétence de votre propre compétence, non seulement pour connaitre des affaires mais également pour vous prononcer sur toutes les questions qui sont soumises devant vous parce que vous êtes la seule juridiction camerounaise qui statue une fois pour toutes.
Vos décisions sont sans recours. La Cour suprême est une instance ultime après une longue procédure qui va des tribunaux d’instance en passant par la Cour d’appel. Vous, vous jugez une fois pour toutes. C’est donc à vous, c’est à votre conscience que je m’en remets, c’est à votre conscience que je fais appel pour que vous donniez aussi un message puissant aux populations camerounaises qui nous regardent et qui espèrent que ce que nous, hommes politiques, n’arrivons pas à faire dans le terrain de la politique, vous allez y mettre bon ordre en disant le droit”.