Malgré l’offensive diplomatique de Daniel Ona Ondo auprès des cabinets présidentiels pour redorer son blason, les Chefs d’Etat d’Afrique centrale ne décolèrent pas face aux dérives managériales qui accablent la gestion de l’actuel Président de la commission de l’institution. C’était encore le cas récemment à Bangui, où l’ancien Premier Ministre gabonais est allé à la rencontre des autorités centrafricaines.
Du 15 au 18 novembre 2021, le Président de la Commission de Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (Cemac) a effectué une mission de travail à Bangui. Si le déplacement était officiellement dû à la nécessité d’une rencontre avec les nouvelles autorités de la délégation de l’Union Européenne en Centrafrique, il a aussi permis au Professeur Daniel Ona Ondo de rencontrer successivement, dans la seule journée du 17 novembre, la Ministre des Affaires Étrangères, Madame Sylvie Baïpo-Temon, puis le Président de la République Son Excellence Faustin Archange Touadéra.
Affaires Étrangères
Au cabinet de la Ministre des Affaires Étrangères, indiquent de bonnes sources, le Président de la Commission de la Cemac s’est employé à donner l’assurance d’un retour très prochain de l’institution à son siège à Bangui, retour auquel plus rien ne s’opposerait au regard, selon lui, de l’état hautement satisfaisant des travaux de réhabilitation des bureaux et des logements.
A en croire ses indiscrétions, il a ensuite évoqué la disponibilité de postes revenant à la République Centrafricaine au titre du principe de rotation des premiers responsables des structures communautaires.
Enfin, renchérissent-elles, il s’est étendu très largement, comme si tel était le principal objet de sa visite, sur ce qu’il considère être la situation particulière de certains cadres centrafricains. Citant nommément deux d’entre eux, leur assignant par des propos très osés un salaire faramineux qu’ils n’ont pas, il les a présentés comme desservant la République Centrafricaine et comme devant faire l’objet d’un traitement particulier par les Autorités nationales.
Si la ministre s’est réjouie de l’annonce du retour de la Commission à Bangui et a promis de porter la question des fonctionnaires communautaires centrafricains à la très haute attention du Chef de l’État, l’ambiance n’a pas été de même lorsque, à 17h environ ce 17 novembre, le Président de la République a reçu le Professeur Daniel Ona Ondo.
Présidence de la République
Lors de son audience avec le Président de la République, Daniel Ona Ondo a entrepris de rééditer le discours tenu dans la matinée à la Ministre des Affaires Étrangères mais l’exercice a tourné à son revers.
Sur la question du retour à Bangui, le Chef de l’État Centrafricain s’est ainsi montré agacé, interrompant le Président de la Commission en lui rappelant que l’annonce faite n’est pas nouvelle, qu’à plusieurs reprises il a été question d’un « retour imminent », que la formule date d’au moins trois ans et que, de ce point de vue, même l’évocation éventuelle de la crise sanitaire comme justification du retard ne semblerait pas à ses yeux être un motif sérieux.
S’agissant des postes censés revenir à la République Centrafricaine, le Chef de l’État a dit en avoir pris note, relativisant toutefois les enjeux au motif que, à sa connaissance, il y a peu de postes en ce sens.
Enfin, sur la question des cadres, le Président de la République s’est montré particulièrement expansif. Rappelant qu’il est Chef d’État et que les questions d’ordre managérial au sein de la Cemac ne sont pas de son ressort. Il a toutefois précisé disposer d’un droit de regard sur le traitement dont font l’objet les ressortissants de son pays au sein des Institutions Communautaires, marquant au passage son insatisfaction et sa désapprobation s’agissant de la Commission de la Cemac en raison de ce que, depuis plus d’un an, la quasi-totalité des rapports qui lui parviennent font état de brimades et de maltraitance infligées aux cadres centrafricains.
Le Président de la Commission de la Cemac a certes essayé de se justifier, révèlent les mêmes sources, mais il s’est malencontreusement risqué dans un procédé pour le moins sordide : il a présenté un des cadres centrafricains concernés, du nom de Gervais Ngovon, comme étant proche du nommé Jean-Eudes Téya et de la rébellion de François Bozizé, ajoutant que l’intéressé pourrait profiter de sa situation à la Commission de la Cemac pour contribuer à la déstabilisation du pays… Mais, le Chef de l’État Centrafricain a rapidement coupé court : « Cela n’a rien à voir ici. Je vous demande seulement de respecter les règles ». La suite des échanges s’est limitée aux propos d’usage, mots protocolaires de courtoisie et de gratitude réciproques
Il va sans dire, de l’avis de plusieurs hauts responsables de la Présidence centrafricaine et proches collaborateurs du Président Touadéra, que cette sortie malheureuse du Président de la Commission a donné la preuve, aux yeux de tous ceux qui étaient présents lors de l’audience, que Daniel Ona Ondo nourrit un acharnement irrationnel contre certains fonctionnaires centrafricains de la Communauté. Il n’y a pas longtemps, ce sont les fonctionnaires camerounais de la Commission qui se plaignaient des nombreuses injustices et humiliations subies dans l’exercice de leurs fonctions. Comme quoi, le style visiblement maladroit du Président de la Commission serait contraire aux valeurs de paix et de solidarité prônées par les Chefs d’Etat de la Cemac.
Il faut rappeler que le 08 décembre 2021, le Conseil des Ministres de l’Union Economique d’Afrique Centrale (Ueac) a rejeté le projet de budget de la Communauté proposé par Daniel Ona Ondo, en raison de nombreuses irrégularités décriées à l’unanimité par les ministres des six pays membres.
Dans un tel contexte, Daniel Ona Ondo réussira-t-il à faire adopter le projet de budget de la Commission de la Cemac pour l’année 2022 ? Rien n’est acquis tant que les préalables de la gestion administrative et financière posés par les ministres ne sont pas remplis.
Koyock NKEE