Entre préoccupations d’ordre structurel et organisationnel, conflits d’intérêts et exigences de la profession, l’architecte camerounais cherche désespérément ses marques. Raison d’être de la semaine de l’architecture, organisée en prélude à l’Assemblée générale de la Fédération des Architectes Francophones d’Afrique, enrichie, le 26 novembre 2024, par l’animation du concept novateur, Archi talk, qui traite d’un certain nombre de problématiques de l’heure.
L’Ordre National des Architectes du Cameroun, auquel préside aux destinées Jean Christophe Ndongo, s’est mobilisé, une fois de plus, le 26 novembre 2024 à Yaoundé, dans le cadre de la poursuite de ses activités en prélude à l’Assemblée générale de la Fédération des Architectes Francophones d’Afrique (Fafa).
Archi talk, c’est le concept novateur qui a réuni architectes et étudiants en architecture autour d’un certain nombre de problématiques telles que la formation continue des architectes et autres préoccupations d’ordre structurel et organisationnel de la profession.
La modération des échanges était assurée par Christolle Tsambang, Conseillère suppléante Architecture durable, et co-fondatrice Archi Talk.
Des différentes interventions, il ressort qu’il est globalement question de relever les défis d’un environnement en constante évolution en matière d’architecture.
Acquérir des connaissances en permanence
Au terme des différents exposés sur fond d’échanges, le Président national de l’Onac a tenu à rassurer l’opinion publique des batailles de la structure dont il a la charge, non sans se satisfaire de l’impact socioprofessionnel d’Archi talk. « L’architecture est une remise en question permanente. Ce que nous voulons, c’est d’avoir des architectes camerounais bien formés. Nous ne remettons pas en cause les écoles, mais ce qui se passe actuellement.
On doit devenir de bons architectes. Il y a des outils tels que Internet qu’il faut utiliser et qui permettent d’avoir de la connaissance qu’on n’a pas toujours dans les écoles.
S’agissant d’Archi talk, qui s’investit à la tenue des conférences, débats et autres formations, c’est une belle expérience pour notre jeune bureau qui ne date que d’un an. Je suis très satisfait de la manière dont les choses sont organisées »s’est félicité Jean Christophe Ndongo.
Incertitudes et inquiétudes
Anne Marie Medou, ancienne Présidente de l’Onac, s’indigne de la situation dans laquelle ploient l’architecte et l’architecture au Cameroun.
« Je suis parmi les signataires de la création de la Fafa pour le compte du Cameroun. J’avais constaté que le maillon faible de l’Union des architectes d’Afrique était les architectes francophones. Tous les autres avaient des écoles. L’Afrique francophone n’avait que l’Eamau (École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme : Ndlr) et une école embryonnaire au Congo Démocratique. J’ai la particularité d’être la dernière présidente qui n’a eu comme architectes inscrits au tableau que ceux qui ont été formés à l’étranger.
C’était important pour nous architectes francophones d’aller à l’étranger pour nous former. Eamau, basé à Lomé au Togo, avait des quotas. Le Cameroun, à l’époque, c’était 06 architectes. Et tous les architectes formés étaient boursiers. C’était important de nous mettre ensemble, pour trouver des voies et moyens d’avoir, nous aussi, des écoles. Lorsque l’école de Nkongsamba et de Foumban sont créés sur les papiers en 1993, elles sont misea en route en 2010. Et, il a fallu une bataille pour réaliser qu’il y avait un gap entre l’école et le terrain; il fallait composer avec l’Onac, parce que c’est cette structure qui donne l’autorisation d’exercer. Nous ne pouvons pas faire la guerre avec l’État et notre objectif n’est pas de fermer les écoles, mais de les organiser et de faire une formation normale. Jusqu’aujourd’hui, l’État considère que son école de formation en architecture, c’est à Lomé. Le Cameroun est membre fondateur de l’Eamau. Donc, c’est son école de référence. Mais, nous voulons que ce soit au Cameroun. C’est pourquoi nous avons fait tout un programme pour la création de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture du Cameroun. Ce qui nous rend tristes, c’est qu’on ne peut pas avoir une licence à l’Essaca (Ecole Supérieure Spéciale d’Architecture du Cameroun : Ndlr) et pouvoir aller à Maroua, à Nkongsamba, parce qu’il y a un verre dans le fruit. On a créé l’Institut Supérieur des Beaux Arts de Nkongsamba qui forme en Urbanisme; l’Institut Supérieur des Beaux Arts de Foumban qui forme les Ingénieurs et Maroua qui fait dans les matériaux. Il faut que tous les étudiants soient au même niveau d’abord architectes. Par la suite, on a ajouté le système Lmd (Licence-Master-Doctarat). Question : qui est formé ? Les architectes, les maîtres de conférences ou les enseignants ? Il faut questionner le système Lmd. C’est ça notre inquiétude. On a ajouté des instituts supérieurs d’agriculture, bois et environnement à Bertoua, Ebolowa. Mais, eux, ils forment maintenant des architectes. Au Cameroun, il n’y a pas d’équivalence, car on ne peut pas prendre un étudiant avec une licence à Nkongsamba, pour qu’il parte continuer à Foumban. Qu’est-ce que l’ordre doit faire ? Est-ce que nous formons le médecin africain ou le médecin tout court ? Un médecin est appelé pourtant à travailler partout. On ne peut pas s’arrêter au système Lmd et prétendre être architecte. On est diplômé en architecture, mais on doit aller en stage en cabinet pour acquérir des compétences qui permettent de devenir architecte. Chaque jour, on apprend », a-t-elle interpellé la conscience collective.
Exigences de l’architecture
Selon William Douandji, enseignant et Président de la Commission formation de l’Onac, les problèmes observés dans la profession sont d’ordre structurel et organisationnel : « Il se trouve que la partie préparatoire pour lancer ce type particulier d’institut n’avait pas été apparemment prise en main par des gens qui étaient au fait de toutes les réalités y afférentes.
En conséquence, il n’a pas fallu longtemps pour que ça bute sur différents obstacles et la façon dont l’interaction entre les acteurs de tous bords a été faite a été partiellement conflictuelle. Ce qui fait qu’on n’a pas résolu les attentes de manière équilibrée et aujourd’hui ça se ressent, parce qu’on a affaire finalement à quelque chose qui est en demi-teinte. Et ça nous pousse à dire qu’il faut faire mieux que ça, parce que l’architecture est exigeante. On est aussi en train de voir une vraie envolée quantitative qui a forcément un bémol qualitatif, puisque si on n’a pas une école où on réussit à avoir un personnel qualifié, ce ne sont pas dix écoles qui auront du personnel qualifié. Voilà où se trouvent les écueils actuels ! »
Bertrand TJANI