Alain Noel Olivier Mekulu Mvondo Akame a rendues publiques ses réflexions, le 20 avril dernier à Yaoundé.
Le Directeur général de la Caisse nationale de Prévoyance sociale (Cnps) réfléchit sur la crise sanitaire mondiale, causée par le corona virus. Selon Noel Alain Olivier Mekulu Mvondo Akame, il est des événements dans la vie des hommes, qui surviennent pour leur rappeler l’humaine condition. C’est le cas du Covid-19, qui fait des ravages à travers le monde. « On observe d’une part, une classe populaire qui déambule douloureusement entre insouciance, doute et peur, et qui s’interroge presque machinalement sur son sort prochain », indique le Dg Mekulu Mvondo Akame. « D’autre part, une classe aisée et instruite, qui semble s’abreuver plus que jamais à l’information médiatique mainstream des chaînes étrangères », poursuit-il.
L’auteur de ces réflexions présente ainsi la complexité des hommes à appréhender la nature réelle de cette pandémie. « Les scientifiques nous apprennent que le Covid-19 est un coronavirus d’origine animale transmis à l’homme », rappelle-t-il. « Pour les géopolitiques, il est sans conteste issu de manipulations biotechnologiques dans les laboratoires de puissances étrangères en course pour l’hégémonie planétaire ». Les mystiques, quant à eux, évoquent la colère divine sur les hommes.
Dans la recherche des portes de sortie de cette crise sanitaire, certains esprits mal intentionnés n’hésitent pas à considérer l’Afrique comme un champ d’expérimentation. « Ces derniers jours, s’exhalent des remugles d’idées d’une Afrique-dépotoir, champ d’expérimentation pour deux sous d’activités de chercheurs peu scrupuleux entichés de cobayes faciles », relève le Dg. Dieu merci, « certaines ouailles guéries du Covid-19, après un traitement conforme au protocole officiel, en viennent même déjà à proclamer que leur guérison ne serait due qu’au Sauveur qui a ainsi vaincu le diable instillé en eux par des jaloux invétérés… »
Faut-il relever que le Covid-19 n’est ni la première pandémie ni, et de très loin, la plus meurtrière que l’humanité ait connue. Son retentissement planétaire est surtout d’ordre médiatique et émotionnel, à travers le macabre décompte fait quotidiennement par les chaînes de télévision ainsi que le confinement généralisé adopté par certains pays, plus par l’incertitude autour de cette maladie que par sa létalité en définitive. Il est établi en effet que plus l’on vit dans l’aisance, plus on craint la maladie et de surcroît la mort, dans la mesure où elle nous empêche de jouir pleinement des (belles) choses à portée. Pour référence : la peste de Justinien en 541 (commencée en Egypte) a tué plus de 50 millions de personnes ; la peste bubonique ou peste noire, entre 1347 et 1353, puis au 19e siècle, a emporté au total plus de 150 millions de personnes ; le choléra, entre 1826 et 1832, a fait plus d’un million de victimes en Europe ; la grippe espagnole de 1918-19 a causé plus de 50 millions de morts ; la grippe asiatique H2N2 en 1956 a tué près de 4 millions de personnes ; la grippe saisonnière en Europe tue plus de 2 millions de personnes chaque année. Sans évoquer les ravages permanents du paludisme (30 millions de morts par an), des infections respiratoires aiguës (2,6 millions de morts par an), des cancers (9 millions de morts par an). Pour ne pas évoquer la famine… A ce jour, le Covid-19 a fait environ 160 000 morts dans le monde entier (quelques dizaines au Cameroun), et des savants avisés estiment qu’il a amorcé sa courbe descendante, même si de nombreux morts seront malheureusement encore enregistrés pendant quelques mois, ici et ailleurs.
Sursaut d’orgueil national
De nombreux intellectuels et autres académiciens, pour leur part, abonnés compulsifs des chaînes de télévisions étrangères, réclament à cor et à cri la proclamation du confinement total des populations, en le présentant comme le seul moyen de freiner puis arrêter la pandémie au Cameroun, à l’instar de quelques autres pays. Pour faire bonne mesure, ils adjurent le gouvernement d’annoncer toutes affaires cessantes un mirobolant budget spécial, de plusieurs centaines de milliards de francs, dans l’attente non dissimulée que ledit budget tutoie ou excède, pourquoi pas, le millier de milliards, histoire de soutenir la comparaison avec certains autres pays, selon l’expression consacrée, « de niveau de développement comparable ». Ils ne renoncent d’ailleurs pas, dans un sursaut de fierté nationale, à réclamer ultérieurement, après inventaire exhaustif, à réévaluer ces chiffres somme toute préliminaires, afin que les définitifs permettant de sauver l’économie nationale rudoient résolument, proportionnellement tout au moins, ceux annoncés dans certains pays développés, soit à un rapport significatif au PIB. Les abondantes sommes ainsi entassées (en s’abstenant de dire comment les encaisser), et dont il faudrait au demeurant, selon eux, confier la gestion à la société civile, seraient dépensées, outre la compensation de toutes les pertes d’exploitation des entreprises, formelles ou informelles, à la prise en charge totale des besoins des populations confinées : alimentation, eau courante, savon, etc. En même temps, l’Etat devrait exonérer toutes les entreprises du paiement des impôts et taxes, réduire le prix du carburant, suspendre le paiement des loyers…, non sans procéder au test systématique de tous les habitants et, naturellement, pourvoir gratuitement aux soins et charges connexes (ce qu’il fait déjà). Force est de constater que les demandes ne sont pas souvent assorties de chiffres probants, dont certains existent pourtant, quelques secteurs étant véritablement touchés voire menacés d’effondrement. Ces experts financiers et économistes se gardent bien d’indiquer, ni les sommes nécessaires, ni l’optimum de répartition, et surtout pas comment et où l’Etat trouverait ces moyens colossaux. C’est pourtant là la seule légitimité de l’expert… Le gouvernement peut-il tout faire, de surcroît au moment où il va connaître une baisse drastique de ses ressources, du fait justement de la crise ? Réclamer un collectif budgétaire ne saurait constituer une solution, il ne crée pas d’argent ; il ne servirait, dans un but de transparence financière, qu’à constater la nouvelle situation économique et financière du pays, ainsi qu’à prendre acte des baisses significatives de ressources de l’Etat et l’impossibilité de dépenser tel qu’initialement prévu lors de l’adoption du budget de l’année. On peut aussi s’interroger sur l’efficacité (si tant est que c’est elle qui est recherchée) de mesures spectaculaires comme les prélèvements dans les salaires des agents publics à reverser dans le Fonds de Solidarité, comme s’ils devaient être les seuls Camerounais à « payer » (quelle faute ?) ; et en tout état de cause, combien d’agents publics peuvent supporter des prélèvements dans leurs salaires sans verser dans la précarité ? Que rapporterait une telle action, dont on a pu mesurer les conséquences dans le passé ? Ne gagnerait-on pas plus, dans la construction de la nation, à exalter plutôt le caractère volontaire de la solidarité, et préserver ainsi la noblesse de donner pour sauver des vies ? Il est même surprenant que certains chercheurs soient séduits par l’idée de « l’hélicoptère monétaire », qui est une distribution gratuite d’une somme d’argent à tous les foyers ou individus, pour relancer la consommation, avec une production ou offre nationale qui l’absorberait automatiquement. On leur rétorquerait volontiers que, non seulement il ne s’agit en Occident que d’une idée, jamais expérimentée, pour les risques d’hyperinflation qu’elle comporte, mais aussi, le cas échéant, elle ne peut l’être que si l’Etat est maître de sa monnaie et recourt donc à la planche à billets, ou s’il s’endette à des sommes gigantesques, sachant que l’endettement d’aujourd’hui c’est les impôts de demain…
En définitive, on peut se demander si nous sommes réduits à répéter les « solutions » émises ou adoptées par d’autres, avec leur environnement et leurs moyens, sans évaluer la capacité de l’Etat à y donner satisfaction ? Devons-nous nous priver d’une réflexion autonome et innovante, qui tienne compte de l’ensemble de nos paramètres de divers ordres ? Les situations brièvement décrites ci-haut semblent révéler deux principales caractéristiques de l’élite camerounaise aujourd’hui : – une apparente attirance intellectuelle et morale vers l’extérieur ; – une évidente sur-responsabilisation de l’Etat à l’intérieur. S’il est constant que la science dans sa globalité est universelle et que les mêmes principes s’appliquent, mutatis mutandis, à tous les sujets de recherche fondamentale ou appliquée, il serait légitime et justifiable de s’en inspirer, lorsque cela est nécessaire, et utiliser les résultats des recherches faites ailleurs ; on ne réinvente pas la roue. Mais, pour autant, cela exonère-t-il les chercheurs du cru d’ouvrir des sujets sur diverses autres hypothèses propres à notre environnement et nos moyens financiers et matériels ? Pour le cas du Covid-19, plusieurs protocoles ou molécules sont susceptibles de neutraliser ce virus. La pyramide des âges des habitants et la situation sanitaire de notre pays n’offrent-elles pas matière à une recherche autonome pouvant servir aux politiques pour une prise de décision appropriée, notamment quant à l’efficacité ou non d’un protocole de soins, ou alors la pertinence ou non d’un confinement général ? En effet, dès lors qu’il apparaît que le Covid-19 ne s’attaque ou n’est principalement fatal qu’aux personnes âgées de plus de 60 ans et portant majoritairement des comorbidités (plus de 98% des morts), la solution souhaitable pourrait-elle encore être, comme dans les pays développés et d’âge moyen élevé, de confiner toute la population, au risque d’un appauvrissement général des personnes et de l’Etat ? L’on note à cet égard que : la population âgée de plus de 60 ans en France et au Royaume Uni est respectivement de 27% et 24%, alors qu’elle n’est que de 4% au Cameroun ; la moyenne d’âge dans ces deux pays est d’environ 42 ans, contre 23 ans au Cameroun ; la population frappée d’obésité dans ces pays est de 24% (près de 50% aux Etats-Unis), contre 11% au Cameroun ; le tabagisme frappe près de 60% de la population, contre 18% au Cameroun. Il est clair que la propagation symptomatique et surtout la létalité du Covid-19 sont largement corrélées à l’âge et aux facteurs de comorbidité des populations. De même, les enjeux politiques et démocratiques induits par une population tirant majoritairement vers le troisième âge ne peuvent qu’être propres aux pays concernés. Dès lors, est-il pertinent d’analyser cette pandémie avec les mêmes yeux qu’en Europe et, donc, d’adopter exactement les mêmes mesures de lutte ? Qui plus est, des mesures qui pourraient totalement anéantir nos économies déjà fortement secouées par la crise, et hypothéquer l’avenir des jeunes, qui sont pourtant moins menacés ? La question est d’autant plus évidente que les élites camerounaises sont réputées pour figurer parmi les plus talentueuses. Il pourrait donc s’agir d’un problème de contexte ou de mentalité. Est-il souhaitable de s’inspirer essentiellement d’une source médiatique extérieure pour connaître une pathologie et les moyens de la combattre ? Il serait peut-être temps de développer une capacité d’investigation autonome, en relation permanente et ouverte avec les équipes dédiées de l’extérieur, dont certains ont acquis une expérience solide en la matière (Chine, IHU Marseille, Sénégal, etc.). Les hypothèses de protocoles thérapeutiques et les modalités les plus appropriées de lutte contre la pandémie (confinement général ou partiel, systématisation ou non des tests, etc.), devraient donc se fonder sur des éléments rationnels et scientifiques, dont on serait convaincu soi-même, par le résultat de sa propre investigation. Ceci devrait permettre, d’une part, aux décideurs politiques de prendre leurs responsabilités en toute connaissance de cause, et, d’autre part, aux populations de prendre la véritable mesure du danger et des risques encourus. Il pourrait même s’avérer que l’usage de diverses recettes à base de plantes médicinales du terroir soit d’un utile secours (ou le contraire) ; l’engouement quasi plébiscitaire que lesdites recettes suscitent témoignent à la fois de l’incertitude qui règne au sein des populations que, par conséquent, de la nécessité des éclairages scientifiques y relatifs.
Planche de salut pour les Africains
Il convient d’en conclure la pressante nécessité pour les Africains en général de se réapproprier la maîtrise de leur histoire, leur développement, leurs traditions millénaires, et d’entretenir la mémoire de leurs ancêtres, aïeux, grands-parents et parents…, pas seulement pour les honorer de nous avoir donné la vie, parfois au prix de la leur et en sacrifiant certainement à leur bonheur, mais aussi pour leurs investigations dans la nature afin d’en tirer les solutions à toutes sortes de problèmes rencontrés, entre autres de santé, et assurer la perpétuation de l’espèce humaine. C’est la voie à suivre et amplifier…
Au demeurant, la pandémie du Covid-19 est une autre occasion de se rendre compte combien certains, notamment l’élite, semblent reposer des espoirs démesurés sur l’Etat. Certes, celui-ci a le rôle régalien d’assurer la protection et le meilleur encadrement possible des citoyens, de leur garantir la sécurité, la sûreté et le bien-être, pour autant que ses moyens le lui permettent. Force est cependant de constater que, en contraste manifeste avec les populations travailleuses, majoritairement réputées pour leur dynamisme et leur ardeur à l’œuvre, jusqu’à la « débrouillardise », et qui se battent durement au jour le jour pour gagner les moyens de leur survie, l’élite semble distiller à qui mieux-mieux le message d’un Etat de qui on attend jusqu’au minimum vital. Est-ce la traduction de la réalité vécue, même s’il faut admettre qu’elle est dure en ce moment, ou s’agit-il là encore d’un mimétisme de choses faites « ailleurs » ? Il peut être difficilement compréhensible que le même peuple acharné au travail et à la conquête de son bien-être, parfois même en violation notoire des règles admises, produise, à l’apogée de la réussite, des personnages subitement transformés en spectateurs impuissants, dans l’attente d’une assistance étatique ? D’évidence, cette assistance est en cours, puisque les hautes autorités se sont prononcées favorablement sur le principe ; mais sera-ce dans les proportions escomptées ? Nonobstant la conviction que la nature d’un peuple ne change pas, les opportunités peuvent induire des comportements de groupe, qui procèdent plus d’un esprit d’à-propos que d’un réel défaut. Mais toujours est-il que cette déresponsabilisation apparente des personnes (élites) opère un transfert exagéré et insupportable à l’Etat qui n’en peut mais. Les promesses de l’Etat de jouer pleinement son rôle auprès des populations et des entreprises dans ces circonstances difficiles, devraient rencontrer la volonté permanente des individus à œuvrer à leur propre bien-être ainsi qu’au développement du pays. Seule cette conjonction d’actions pourrait donner des raisons d’espérer et de s’en sortir plus forts encore. C’est le lieu de mentionner que l’Etat n’existe et n’a de moyens qu’à travers principalement ce que lui procurent les citoyens, par le paiement de l’impôt. Parmi ceux qui réclament vigoureusement l’assistance de l’Etat aujourd’hui figurent malheureusement un nombre significatif de ceux qui ne s’acquittent pas de l’impôt ou s’en évadent substantiellement. La situation actuelle révèle l’importance et le rôle de l’impôt dans le déploiement de l’Etat-protecteur, dont la marge de manœuvre est exactement proportionnelle à l’acquittement par les entreprises et les individus des impôts dus.
Titraille et modifications proposées par la rédaction