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Cameroun : l’armée défie la justice et l’autorité administrative pour 18 ha de terrain à Yaoundé

Le terrain querellé au quartier Olézoa a pourtant été rétrocédé par l’État à la communauté Emveng, qui fait malheureusement face à la résistance farouche de la « grande muette ». Le chef de l’État, une fois de plus, interpellé.

07 heures 30 minutes, c’est le temps que la grande famille Emveng, conduite par Sa Majesté Ndemba Pie (chef d’Olézoa), s’est donnée rendez-vous pour le démarrage des travaux de reconstitution des limites de ses titres fonciers et de l’état des lieux en bonne et due forme, en vue d’un lotissement harmonieux. Il faut d’emblée indiquer que cette descente des fils et filles Emveng fait suite à la demande sollicitée du gouverneur de la région du Centre, Naseri Paul Bea, adressée au commandant de la Légion de gendarmerie du Centre de mettre à disposition des forces de maintien de l’ordre, en vue de garantir le bon déroulement desdits travaux. Alors qu’un engin s’investit au terrassement du site situé en contrebas du Tribunal militaire, dans une ambiance empreinte de sérénité, grande sera la surprise générale des Emveng de se buter, une fois de plus, à l’armée qui force l’arrêt des travaux suffisamment avancés. Il sera environ 10 heures.

Face à la situation, les représentants de la famille en détresse tentent de faire prévaloir le droit dit par le Tribunal de Première instance de Yaoundé centre administratif. Sans succès.
« Nous, magistrat, Président du Tribunal de première instance de Yaoundé centre administratif ; vu la requête qui précède, les pièces jointes et les réquisitions de la loi ; autorisons les services de Monsieur le Délégué départemental des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières du Mfoundi à procéder au lotissement avec reconstitution des limites et un état des lieux à sieur Ossama Nicolas au besoin par l’assistance des forces du maintien de l’ordre encadrées par des officiers de police judiciaires ; disons qu’il nous en sera référé en cas de difficulté ; disons notre ordonnance exécutoire sur minute avant enregistrement », ordonnance n°0522, signée le 22 mars 2023, du Président Georges Théophile Timba.

Inquiétudes

Pourquoi l’armée s’obstine-t-elle à se rendre alors que la décision de justice est favorable à la communauté Emveng ? Cette résistance cache-t-elle un défi aussi bien à la justice qu’à l’autorité administrative de la région du Centre ? Bien prétentieux qui répondrait à cette préoccupation. Toujours est-il que les Emveng, qui avaient commencé à sabler le champagne en signe de victoire, ne savent plus à quel saint se vouer, eux qui ont dû interpeller le Chef de l’État, Paul Biya, pour la cause. Jusqu’où peut aller l’opposition de l’armée ? Question à un sou.

Réactions avant l’arrêt des travaux

« Je voudrais adresser les remerciements les plus vifs des populations Emveng à l’endroit de Son Excellence Monsieur Paul Biya. C’est lui qui a donné les impulsions, pour que cet espace qui a toujours été celui des Emveng soit enfin reconnait par l’Etat comme étant le nôtre. Il a donné les ordres qu’il fallait pour qu’on nous délivre les titres fonciers. Malgré la présence de ces titres fonciers, il y avait quelques concitoyens qui ont essayé par la force de nous empêcher d’utiliser ces espaces. Nous avons une fois encore recouru à Monsieur le Président qui a encore donné des ordres, pour qu’enfin l’Etat de droit prévale », a remercié Sa Majesté Ndemba Pie, chef d’Olezoa.

« Les Emveng sont déterminés à mettre en œuvre tous les moyens possibles, pour récupérer et exploiter ce qui leur est de droit, ce terrain. Toutes les familles sont là. Nous avons trop souffert depuis l’époque coloniale où nous avions toujours été chassés. Pour le peu de terrain qui nous a été attribué ici, jusqu’ici, nous avons toujours des difficultés. On a déjà construit ici en haut-là. On ne comprend pas comment sur un titre foncier, des gens viennent construire », a martelé Sa Majesté Marcel Francisco Alima, chef de Ngoa-Ekellé.


« Les Emveng sont une composante Ewondo-Beti-Ekang. Nous sommes tous originaires, comme toutes les autres familles du Mfoundi, des abords de la Sanaga et avons émigré ici avant la pénétration coloniale. Nous nous sommes installés à Mvolye, Ngoa-Ekellé et ce qu’on appelle aujourd’hui Carrefour des Carreaux. Déjà à partir de Mvolye, nous avons été chassés par les missionnaires allemands, qui ont créé un nouveau village ici à Ngo-Ekellé, qui s’appelle le village des chrétiens. Donc, les familles Emveng qui étaient déjà installés à Mvolyé sont venus retrouver leurs frères ici à Ngoa-Ekellé. En 1941, comme si cela ne suffisait pas, les forces françaises qui voulaient installer leurs forces en attente, pour aller libérer la France, sont venus occuper notre village et nous ont chassés vers le village qu’on appelle aujourd’hui Obiliki, qui signifie en réalité, obligatoire, contrainte. On est allé à Obili par contrainte. Donc, nous sommes ici dans notre village », a relaté le patriarche Gabriel Okeng.

« De passage ici aujourd’hui, j’ai constaté également qu’il y avait des travaux. Connaissant le dossier qui a toujours été remis en cause à cet endroit, où il y a souvent eu résistance et suite à la magnanimité du Chef de l’Etat qui a bien voulu rétrocéder à la famille Emveng ce terrain, au départ était plus de 117 hectares. Mais à la fin, 85 ont été expropriés. Et, il y a eu un surplus de 35 hectares qu’il fallait rétrocéder à la famille. Sur les lieux, la famille a constaté que l’armée a déjà utilisé 18 hectares, elle avait construit illégalement sur ce terrain. Et, à la fin, il leur restait 17 hectares dont ils ont obtenu le titre foncier. Ils ont procédé au partage. Il est donc question de les lotir afin que cela revienne à la famille toute entière. La résistance a voulu que la famille saisisse le Tribunal de première instance du Mfoundi, qui a bien voulu établir une ordonnance afin que la famille vienne exécuter les travaux. Elle a eu un plan cadastral. Il fallait donc l’exécuter sur le terrain. A cela, il fallait une sécurité administrative. Le gouverneur de la région du Centre a également été saisi. Il a accordé une sécurité à cette famille, pour pouvoir réaliser son projet. Et, depuis ce matin, les travaux ont commencé… », dixit Sa Majesté Etundi Atanga Firmin Jean Benoît.

Gaby YAN

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