Le cancer du sein représente un défi majeur de santé publique au pays, se classant comme l’un des cancers les plus fréquents et affichant des taux de mortalité élevés. La prise en charge a connu des progrès notables, notamment dans les grands centres urbains, mais elle fait face à des obstacles persistants, principalement liés au diagnostic tardif et à l’accessibilité des traitements.
La lutte contre le cancer du sein sur le territoire national s’est professionnalisée, s’alignant progressivement sur les protocoles internationaux dans les centres de référence (notamment les Hôpitaux Généraux de Yaoundé et de Douala). Les oncologues camerounais reconnaissent l’arrivée de nouveaux traitements, en particulier les anticorps monoclonaux et d’autres thérapies ciblées. Ces médicaments, bien que coûteux, sont considérés comme les plus prometteurs car ils offrent de meilleurs résultats avec moins d’effets secondaires que la chimiothérapie classique.
La prise en charge des cancers hormono-dépendants (qui représentent une part significative des cas) inclut désormais de manière standard l’hormonothérapie (notamment le Tamoxifène), dont l’efficacité sur la survie a été démontrée par des études locales. Un progrès significatif est la disponibilité, bien que centralisée (ex. Centre Pasteur du Cameroun), de l’immunohistochimie. Cette technique est essentielle pour déterminer l’expression des récepteurs hormonaux (RE/RP) et du statut HER2, permettant de personnaliser les traitements.
La chirurgie demeure le pilier du traitement. Bien que la mastectomie radicale reste majoritaire, les techniques chirurgicales sont pratiquées avec succès. Des efforts sont faits pour introduire et développer les techniques de chirurgie conservatrice et de reconstruction mammaire lorsque les stades le permettent, même si l’objectif de conservation mammaire est souvent limité par l’état avancé de la maladie au moment du diagnostic.
Historiquement, le Cameroun a souffert de la fermeture de ses services de radiothérapie (notamment à l’Hôpital Général de Yaoundé). Le redéploiement d’équipements de radiothérapie modernes est crucial. La radiothérapie est un maillon essentiel pour réduire le risque de récidive après une chirurgie conservatrice et pour le traitement des cancers localement avancés ou des métastases. Des études locales mettent en lumière les défis liés aux délais d’accès à la radiothérapie, mais leur existence est indispensable à une prise en charge complète.
Les défis majeurs : retard au diagnostic et coût des soins
Malgré ces avancées techniques, la lutte contre le cancer du sein au Cameroun est confrontée à des réalités socio-économiques et structurelles qui impactent lourdement l’efficacité des soins à savoir le diagnostic tardif qui est le défi principal : une majorité écrasante des patientes (jusqu’à plus de 70% selon certaines études) sont diagnostiquées à des stades avancés (T3 ou T4), avec des métastases ganglionnaires fréquentes. Ce retard est multifactoriel : ignorance de la maladie, recours initial aux tradipraticiens, faible accès aux structures de santé, et surtout le coût du dépistage (mammographie) pour une grande partie de la population.
Le diagnostic tardif réduit la réponse clinique aux traitements, complique la chirurgie (rendant la conservation mammaire difficile), et impacte significativement le taux de survie.
Il faut dire que jusqu’à date, le traitement complet du cancer du sein est extrêmement coûteux pour le citoyen camerounais moyen, car la prise en charge n’est pas entièrement subventionnée. Les thérapies ciblées et certains protocoles de chimiothérapie de pointe restent hors de portée pour les patients les plus démunis, malgré l’existence d’ONG et de programmes d’aide (ex. Sochimio). Aussi, la concentration des services d’oncologie et des équipements lourds (laboratoires d’anatomopathologie, plateaux de radiothérapie) dans les grandes villes (Yaoundé, Douala) crée d’énormes disparités pour les populations rurales, qui doivent assumer les frais de transport et d’hébergement.
Les orientations stratégiques du gouvernement
Le gouvernement camerounais a élaboré un Plan Stratégique National de Prévention et de Lutte contre le Cancer (PSNPLCa). Les principaux axes pour le cancer du sein sont : de mettre en place des directives nationales pour le dépistage et la détection précoce, afin d’inverser la tendance du diagnostic tardif, de viser une prise en charge de qualité, intégrant la chirurgie, la chimiothérapie, l’hormonothérapie et la radiothérapie ; d’intensifier la sensibilisation sur les facteurs de risque modifiables (hygiène alimentaire, activité physique) et la reconnaissance précoce des symptômes.

En définitive, si le Cameroun a intégré les standards mondiaux en matière de protocoles thérapeutiques pour le cancer du sein (chirurgie, chimiothérapie, thérapies ciblées), le succès de la lutte repose désormais sur une stratégie nationale d’accès universel et précoce au dépistage et à la réduction du coût des soins pour les populations vulnérables.
Ernesthine BIKOLA






