L’ingénieur statisticien, Dieudonné Essomba, donne son avis sur les régionales qui sont pour lui une véritable escroquerie démocratique.
Les élections régionales se sont tenues au Cameroun et ont donné leur verdict. En attendant la proclamation officielle et l’installation des exécutifs régionaux, il ne faut jamais oublier l’essentiel : le partage de l’argent, autrement dit, les 4.800 milliards Fcfa du budget. Comment seront-ils répartis entre l’Etat, les régions autonomes et les communes autonomes ? Sans une répartition nette, claire et sans appel, il n‘y a aucune décentralisation. Or, ce qu’on voit au Cameroun relève de la pure escroquerie et il n’y a aucune décentralisation au Cameroun. Aucune !
En effet, dans un pays décentralisé, les transferts ne sauraient être le fait des ministères sectoriels. Il ne revient par exemple pas au ministère des Travaux publics de transférer la somme de 10 milliards Fcfa aux communes, au motif que le budget initial réservé aux routes communales était de 10 milliards Fcfa. Ni au ministère de l’Enseignement de transférer la somme de 50 milliards Fcfa aux régions, au motif que c’est la même somme qu’utilisait l’Etat central pour les missions transférées.
Car, les communes et les régions ne sont pas des exécutants du budget central. Ce ne sont pas des instances chargées de lire le budget de l’Etat en disant : » Tiens ! Tiens ! Dans ton budget, voici une route communale de chez moi ! Donne-moi l’argent pour que je la réalise ! » Ce n’est pas comme cela que ça marche.
Dans un pays décentralisé, les régions et les communes sont des entités autonomes qui votent leurs budgets, sur la base de leurs ressources et de leurs dépenses et au vu de leurs priorités. Et ces ressources viennent de deux principales sources : la dotation de l’Etat central, à savoir les 15% octroyés lors du Grand Dialogue national, correspondant grosso modo à 700 milliards fcfa ; et les recettes propres de la région, portant notamment sur les recettes fiscales dans les matières non taxées par l’Etat central.
La région décide donc de consacrer, sur son volume global du budget, telle part sur ses routes régionales. Ce n’est pas à l’Etat de décider de quelle route régionale la région doit s’occuper, ni de quel montant elle a à mettre sur les routes. Dans ces conditions, le budget de l’Etat apparait nécessairement en deux sections : une première section appelée « budget central » réservée aux missions de l’Etat central et répartie entre ses ministères et autres institutions centrales ; une deuxième section, appelée « Transferts aux Ctd » et définissant, pour chaque Ctd, la part qui lui revient.
Le budget du Cameroun ne se présentant pas sous cette forme, il n’y a aucune décentralisation dans ce pays. Il y a tout simplement une tentative de gagner du temps, en installant dans les régions, une sorte d’appendice de la bureaucratie centrale, avec certainement l’espoir de relâcher l’étau des Ambazoniens et de revenir un jour sur ces réformes.
D’ailleurs, quand on voit l’âpreté avec laquelle le régime a voulu contrôler le processus en plaçant dans les conseils régionaux ses fonctionnaires les plus bornés et les plus soumis, on peut annoncer sans se tromper qu’une fois de plus, le régime de Biya a raté le coche. Et c’est dommage ! Car, c’était la dernière occasion où il pouvait laisser un véritable héritage, après une constellation interminable d’échecs.
Gaby YAN