Dieudonné Essomba analyse la situation économique du pays qu’il voit foncer droit à la baisse des salaires des fonctionnaires du fait de la mal gouvernance.
« Nous sommes rendus à la fin d’avril et le budget du Cameroun n’a encore connu aucun début de réalisation. Les gestionnaires des crédits se rongent les ongles d’impatience, angoissés et inquiets, ne sachant que faire. On les voit dans les ministères, le regard torve, la mine égarée, implorant un Dieu impossible.
Il n’y a pas d’argent ! Ou plus exactement, le Fonds Monétaire International (Fmi) a saisi notre budget et doit d’abord payer nos créanciers, avant de nous laisser le reste. En réalité, le budget du Cameroun qui ne se réalisait que de mars à novembre va désormais se réaliser de mai à août, soit seulement 3 mois d’activité. Pour le reste du temps, les ressources budgétaires sont contrôlées par le Fmi, le terrible huissier de justice qui frappe les mauvais payeurs au niveau des pays. Et devant un huissier de justice commissaire-priseur, accompagné de gendarmes armés, on ne regimbe pas, on obtempère, un point c’est tout !
Et le budget au Cameroun ne sert plus qu’à 4 choses : le remboursement de la dette que nous sommes partis prendre chez les autres avec un esprit de frappe qui ne marche pas à ce niveau. Et ce remboursement est prioritaire et c’est cela que le Fmi prélève, de gré ou de force ; les salaires dont le gouvernement s’est fait un point d’honneur de respecter, pour éviter une insurrection très dangereuse pour sa survie ; quelques dépenses de souveraineté pour donner l’illusion d’un Etat qui marche ; le financement de la guerre contre Boko Haram et surtout, de l’ulcère sécessionniste que les décisions foireuses d’un gouvernement autiste sont parties nous fabriquer au Nord-ouest et Sud-ouest.
Ensuite, plus rien !
Finies les fanfaronnades ! Cette racaille ne vient plus dans les médias plastronner sur l’intelligence du gouvernement pour les Grands Projets, l’Emergence en 2035 et autres conneries de la même espèce. Personne ne peut cependant dire qu’il n’a été averti ! Depuis de longues années, j’ai utilisé tous les tons pour mettre en garde contre cette politique économique absolument schizophrène, sans tête ni queue, qui violait tous les fondamentaux de la gouvernance macroéconomique d’un pays sous-développé, et notamment ses équilibres extérieurs.
D’ailleurs, quand j’avais commis un article qui avait donné des sueurs froides en 2015, à savoir que « la crise du Cameroun sera pire que la Grèce », j’ai été interpelé par la police qui m’a enjoint de cesser de faire peur aux Camerounais. Bien entendu, la même police dans un élan de coopération, m’avait demandé de faire des suggestions sur ce qu’il fallait faire.
Et je n’ai pas manqué de faire mes propositions dans un document que je leur ai remis. Propositions qui n’ont pas manqué de susciter un immense éclat de rire de la part des gens qui prétendent tout connaître du sommet de l’Etat.
Je ne parle pas évidemment pas des quolibets des journalistes administratifs comme ce pittoresque clown de sinistre mémoire qui a maintenant disparu des radars et dont on se rappelle des prétentions à me faire, à moi, Dieudonné ESSOMBA, des leçons d’Economie ! Et encore moins de ces Universitaires qui promènent leurs diplômes comme des cornes d’apparat et dont le savoir se réduit à la citation des Schumpeter et des Edgeworth. Il y a à peine un an, quand j’avertissais que le niveau de la dette du Cameroun avait largement débordé le seuil du supportable, qu’est-ce qu’on n’a pas raconté ? On a tenté de prouver que nous étions en-deçà de 70% du PIB fixés par la CEMAC ! Quel rapport ?
Mais quel rapport, bon Dieu ! On dirait que les Camerounais n’ont pas la tête ! Est-ce que c’est la CEMAC qui nous donne l’argent pour qu’elle fixe les seuils d’endettement ? C’est quelle idiotie, ça ? Tout ce tralala a finalement servi à quoi ? Nous sommes maintenant devant la triste réalité d’une gouvernance fondée sur la tartufferie, l’esbroufe et l‘imposture. On ne peut pas indéfiniment jouer au petit malin avec la réalité économique : elle finit par vous rattraper.
Et cela, il faut le dire de manière claire : les Camerounais vont souffrir ! Le Cameroun est endetté à l’extérieur pour plus de 7.000 milliards. Or, ses recettes extérieures qui paient cette dette ne sont que de 2.500 milliards. Cela signifie que la dette du Cameroun représente 3 fois ses recettes. C’est exactement comme quelqu’un qui gagne 100.000 FCFA par mois (soit 1.200.000 FCA par an), mais se retrouve endetté pour plus de 3,6 millions de FCFA ! Comment peut-il rembourser cette dette? Il doit louer une maison, nourrir sa famille, payer la scolarité et les soins de santé, etc. Il n’est donc pas capable de dégager une épargne pour couvrir ne serait-ce que les intérêts d’une telle dette !
Et c’est exactement le cas du Cameroun ! Les maigres ressources d’exportation qui doivent normalement payer la dette sont largement débordées par les importations, générant un déficit commercial abyssal de plus de 1000 milliards ! On va donc dégager les ressources où pour rembourser une telle dette ? Et si au moins, ces dettes avaient servi à quelque chose ! Partout, ce sont des demi-projets peu opérationnels, des malfaçons, sans compter des détournements massifs de fonds.
Pour ceux qui s’interrogent, la situation est la suivante : le Cameroun doit l‘argent aux étrangers qu’il est incapable de payer. Le FMI, qui est l’huissier de justice, est venu pour nous obliger à rembourser, que cela nous plaise ou non.
Et c’est la deuxième fois que le Fmi vient nous saisir. La première fois, ce fut en 1987, alors même que le Président Biya avait solennellement proclamé qu‘il n’irait jamais au Fmi… Comme si l’huissier de justice avait besoin de votre avis pour venir vous saisir ! Le Fmi était donc venu et avait saisi les entreprises publiques qu’il avait vendues aux enchères : Sonel, Snec, Hevecam et toute les autres, afin de dégager les ressources et payer la dette du Cameroun. Et comme cela ne suffisait pas, le Fmi avait dû saisir une partie du budget, d’où une baisse drastique des salaires, la compression des effectifs de l’administration publique, l’abandon des subventions, etc.
Cela a duré 20 ans, de 1987 à 2006
Et maintenant, rebelote ! Comment a-t-on pu, en moins de 15 ans, commettre les mêmes erreurs pour retomber dans la même situation ? Sinon, dans une situation pire ! Car, le Cameroun actuel n’ayant plus d’entreprise vendable, le Fmi a directement saisi le budget. Il n’y a donc plus rien d’autre à faire que de prier Dieu pour que les prochaines baisses de salaires restent dans des proportions humaines. Car, les salaires seront baissés et il ne peut en être autrement. Que les Camerounais ne se fassent aucune illusion là-dessus ! La baisse pourra prendre la forme nominale, où les salaires sont baissés dans leur volume, ou sous la forme monétaire d’une sévère dévaluation.
Et face à cette évolution inéluctable, nous ne pouvons plus rien. Nous sommes dans la même situation que les enfants qui pleurnichent parce que l’huissier saisit la télévision. Ils ont beau rouler à terre, frapper leur père, cela ne change rien l‘affaire. On ne peut pas gérer un pays comme le Cameroun avec une telle désinvolture. On ne peut pas pourchasser les compétences et confier la gouvernance macroéconomique entre les mains d’une bande de frimeurs dont le seul fait d’arme se réduit à se pavaner en costumes comme de jeunes criquets pèlerins, bande assaisonnée d’une cohorte de mégères aux fesses rebondies ».
Dieudonné ESSOMBA