
A quelque 7 jours de la date butoir de la convocation du corps électoral, aucun signal, aucune éclaircie, ne se dégage sur l’instance devant investir le président national du Rassemblement démocratique du Peuple camerounais à la compétition électorale qui se profile. Entre les velléités annoncées de la tenue d’une réunion du bureau politique du parti, et un congrès de plus en plus appréhendé comme un serpent de mer, le flou embrume la scène politique, suscitant des débats nourris dans les coulisses même du parti au pouvoir. Et ce, au moment où la candidature de Léon Theiler Onana, prétendument pour le compte du même parti, vient jeter un pavé dans la marre politique. Des débats s’enchaînent et des passions se déchaînent…

Qui pour investir le candidat naturel du Rdpc-Rassemblement démocratique du Peuple camerounais à la prochaine élection présidentielle ? Si sa candidature ne pose aucun problème selon les dispositions statutaires du parti, prévoyant que le président du parti est son candidat naturel à l’élection présidentielle, la question de son investiture, elle, demeure comme un caillou dans la chaussure du parti au pouvoir. Pour les plus retors des militants, le débat ne se pose pas, la position naturelle du président du parti lui conférant son investiture. A l’opposé, les exégètes du droit exhibent une autre disposition des statuts du parti, selon laquelle le candidat du parti est investi par le congrès. Une disposition en concordance d’ailleurs avec les textes d’Elecam-Election Cameroon, organisateur du scrutin, qui prévoient que les candidats sont investis par les partis politiques entre autres. Pour l’heure, le constat est à la non convocation du congrès du Rdpc, préalable selon les analystes les plus pointilleux, à l’investiture du candidat du parti au pouvoir. Des rumeurs ont circulé il y a quelque temps, au sujet de la tenue d’une réunion du bureau politique, en substitution au congrès, et devant entériner l’investiture du candidat du parti. Une initiative bancale, qui s’est visiblement heurtée à la réserve rigide des conseillers juridiques du parti, qui trouvaient dans cette option une faille à d’éventuels recours en annulation de la candidature de Paul Biya, par quelques esprits mal intentionnés. Pour les défenseurs de la ligne juridique, l’investiture du candidat Paul Biya, bien qu’acquise au sein du parti, doit être actée par une résolution du congrès, et non par une quelconque autre instance. Même pas les consultations actuellement en cours à la salle B334 du Palais de l’Unité, menées sous l’égide du Sgpr-Secrétaire général de la Présidence de la république, suivant ordre du Président, et que d’aucuns soupçonnent d’être le véritable cadre d’où sortira la décision définitive relative à l’investiture du candidat Biya.
Candidature de Léon Theiler Onana
Dans ce climat d’incertitude, d’autres militants plus patients ne désespèrent pas de voir convoquer in-extremis le congrès du Rdpc, même à la veille du délai légal de clôture des dépôts des candidatures à Elecam. Une hypothèse qui ne rassure plus grand monde, au regard des contingences et exigences relatives à l’organisation du congrès d’un parti politique sérieux, mais également du fait du laxisme devenu maladif des responsables du parti, sur l’organisation du congrès. C’est depuis 2011, soit 14 ans déjà, que les militants espèrent une session ordinaire du congrès de leur parti qui n’arrive pas, en dépit des critiques redondantes. Une situation qui, selon des analystes, couvrirait de caducité les mandants des responsables élus en 2011 lors du congrès de Yaoundé. Du coup, la question de la crédibilité, voire de la légalité de la candidature de Paul Biya revient sur la table débats, corsée par la récente candidature de Léon Theiler Onana, conseiller municipal Rdpc de la commune de Monatélé, lui aussi prétendant défendre les couleurs du parti au pouvoir. Un véritable pavé dans la marre, susceptible d’ouvrir une boite à pandores. En effet, Léon Theiler Onana adosse sa candidature sur un argumentaire qui ne manque pas de pertinence, selon les puristes du droit : l’illégitimité et l’illégalité depuis 2016, des instances issues du congrès de 2011. Une lecture susceptible d’inspirer d’autres candidatures concurrentes au Rdpc, émanant d’autres militants en soif d’alternance. Même si aucun esprit épris de lucidité n’entrevoit la recevabilité par Elecam de la candidature de Léon Theiler Onana, ou son maintien éventuel en cas de contentieux face au juge constitutionnel, des érudits du droit estiment que les deux instances devront trouver des arguments solides et convainquant pour ne pas rejeter, éventuellement, la candidature de Paul Biya si elle aussi venait à faire l’objet d’un contentieux, surtout émanant d’un rival du parti, de surcroît un élu comme Léon Theiler.
Jurisprudence Upc
Et dire que ce débat scabreux se déroule dans le silence le plus abject de Paul Biya himself, qui n’a jamais personnellement déclaré son intention intangible de se porter une fois de plus candidat à la présidence. Le «Je vous ai compris» débité à la suite de «L’appel du peuple de 2011» tarde à retentir pour trancher sur le vif. Un silence dont la persistance prête déjà le flanc à des conjectures, parfois aussi sordides que perfides, qui viennent corser l’indécision sur le dénouement de ce débat de plus en plus redondant dans les milieux du Rdpc. Et s’il maintenait son silence jusqu’à l’épuisement des délais de dépôt des candidatures ? Au Rdpc, personne n’y pense, mais les esprits méfiants n’excluent pas l’hypothèse de voir le parti au pouvoir animer la chronique du contentieux pré et post électoral lié à la présidentielle. Le schéma le plus redouté étant de voir plusieurs candidatures du même Rdpc enregistrées à Elecam. Comme ce fut le cas pour l’Upc-Union des Populations du Cameroun, en 2020, à l’occasion des élections municipales et législatives, avec les décisions qu’on connait. La jurisprudence Upc pourra-t-elle finalement exclure le Rdpc du jeu électoral de la prochaine présidentielle ? Difficile de l’imaginer, mais qui peut bien prédire l’avenir ? Question de conscience qui devrait inspirer les dirigeants du parti au pouvoir, à organiser un congrès, même dans l’urgence, fut-il de façade, pour mettre un terme définitif à un débat qui s’annonce de plus en plus pertinent à l’approche de l’échéance.
Par Nestor DJIATOU (Correspondance particulière )