Le président de la Confédération africaine de football revient sur les nombreux défis de l’organisation, dont l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2019.
Président de la Confédération africaine de football (CAF) depuis mars 2017, le Malgache Ahmad Ahmad est un homme qui gère des dossiers brûlants : la future Coupe d’Afrique des nations (CAN) prévue au Cameroun, l’indispensable professionnalisation du football africain, la réforme de l’instance qu’il dirige, l’échec des sélections du continent à la Coupe du monde en Russie. Il revient sur tous ces points pour Le Monde Afrique alors qu’un comité exécutif de la CAF est en train, vendredi 28 septembre, d’éplucher au Caire le rapport d’audit sur l’avancement des travaux au Cameroun en vue de la Coupe d’Afrique des nations en 2019.
Que va-t-il sortir du comité exécutif de la CAF ? Il ne se passe pas une semaine sans que l’organisation de la CAN au Cameroun ne soit remise en cause…
Ahmad Ahma : En août, une commission technique de la CAF et une société d’audit ont passé plusieurs jours au Cameroun pour une visite d’inspection. La CAF n’effectuera aucune communication quant à la décision qui sera prise avant la présidentielle camerounaise du 7 octobre. Nous ne voulons pas perturber la campagne. En 2017, la CAF avait attendu la fin de la présidentielle au Kenya pour annoncer sa décision de lui retirer l’organisation du Championnat d’Afrique des nations [CHAN]. Ce n’est pas moi qui vais décider seul si le Cameroun peut organiser ou non la compétition. Nous ne sommes plus dans un système de gouvernance dictatorial, où toutes les décisions étaient prises par une personne. A la CAF, il y a des compétences, des experts. Les décisions sont prises de façon collégiale.
Le Maroc est souvent présenté comme l’unique recours en cas de défaillance du Cameroun…
Oui, mais pourquoi ne parle-t-on pas de l’Afrique du Sud ou de l’Egypte ? Ces pays disposent de toutes les infrastructures nécessaires.
La CAN à vingt-quatre équipes ne risque-t-elle pas de limiter le nombre de pays capables de l’organiser ?
Il ne faut pas voir les choses ainsi. Beaucoup de pays veulent accueillir la CAN. L’organisation de cet événement peut permettre à des Etats de moderniser ses infrastructures sportives bien sûr, mais pas seulement : ses transports, hôpitaux, communications. Une CAN à vingt-quatre, c’était une volonté des acteurs du football africain. Il y a un cahier des charges précis. Les pays candidats sont au courant des exigences. Quand il y a une volonté, on peut faire de grandes choses.
Récemment, des incidents, parfois mortels, ont été recensés dans des stades en Gambie, à Madagascar et en Angola. Comment mieux lutter contre ces problèmes de sécurité ?
La CAF est là pour aider les fédérations qui organisent des matchs. On peut envoyer des experts, des bénévoles, mais elle ne peut pas tout faire. J’ai été choqué par les événements que vous avez cités. L’organisation des matchs demande beaucoup de rigueur et certains Etats doivent moderniser leurs stades. Sinon, il y aura un football africain à deux vitesses alors que c’est une véritable passion en Afrique. Le sport, et le foot en particulier, est un levier important pour l’éducation, pour la jeunesse, pour l’économie. J’ai été sensible à l’idée d’Emmanuel Macron, qui souhaite financer des projets sportifs en Afrique via une plate-forme. Nous avons des contacts avec la Banque mondiale, l’Agence française de développement [AFD] notamment.
Qu’en est-il de votre souhait de professionnaliser le football africain ?
Ce n’est pas un souhait, c’est une obligation ! Un passage nécessaire pour le rendre plus compétitif. Il faut que les championnats professionnels se mettent en place dans le plus grand nombre de pays. Le Sénégal, la Côte d’Ivoire, les pays d’Afrique du Nord, l’île Maurice, l’Afrique du Sud l’ont fait. Globalement, cela fonctionne bien. Il faut que les championnats se déroulent de manière régulière. Mais dans certains pays, les championnats n’ont pas de statut professionnel, alors que les joueurs vivent à 100 % du football. Et certains peuvent en profiter pour quitter un pays sans en avertir les dirigeants. Il faut donc que les choses soient plus structurées : des championnats plus forts, des joueurs avec un vrai statut, de meilleures infrastructures, des dirigeants et des entraîneurs mieux formés. Dans ces conditions, les footballeurs seront moins tentés par l’exil et le niveau sera plus relevé.
Comment expliquez-vous l’échec des sélections africaines lors de la Coupe du monde ?
Le talent n’est pas toujours suffisant. Aucune équipe n’a passé le premier tour, mais il y a eu de bonnes choses malgré tout. Ce n’est pas un échec total. Mais il est vrai que les sélections africaines ont encaissé trop de buts en fin de match. Un match, c’est quatre-vingt-dix minutes, plus le temps additionnel. Je pense qu’il faut améliorer les préparations mentale et physique. Il faut aussi davantage de stabilité. Changer trop souvent de sélectionneur n’est pas une bonne solution.
Lors la Coupe du monde, la France a été présentée par certains comme la sixième équipe africaine de la compétition. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
J’ai été étonné. Il y a des joueurs français d’origine africaine, c’est vrai, mais ils sont nés en France, qui est une ancienne puissance coloniale. Cela fait longtemps qu’il y a des joueurs d’origine africaine chez les Bleus. Pourquoi toujours chercher des polémiques ? Et souvent, ceux qui tiennent de tels propos sont persuadés de connaître l’Afrique, alors qu’ils n’y vont qu’une fois par an en vacances. Moi qui suis africain et vis sur le continent, je n’ai pas la prétention de le connaître parfaitement. Il est tellement vaste, il y a tellement de cultures, de diversité. C’est un continent complexe.
Quel mode de gouvernance voulez-vous incarner ? Avez-vous des contacts avec votre prédécesseur, Issa Hayatou ?
J’ai voulu faire de la CAF une institution démocratique, où tout ne dépend plus d’un seul homme. Il existe en interne différentes commissions et toutes sont très actives. Le partage des responsabilités, y compris les miennes, est une évidence. Il faut échanger, écouter. J’ai remarqué, après avoir pris mes fonctions, que des dirigeants du football africain attendaient les instructions d’en haut. Je veux au contraire qu’ils anticipent, proposent, émettent des avis. Sinon, je n’ai eu aucun contact depuis mon élection avec mon prédécesseur alors qu’il avait déclaré être prêt à m’aider. Je ne le regrette pas. Chacun a son mode de fonctionnement. La seule fois où il a parlé de moi, c’était après que j’ai regretté, en août 2017, l’inertie du Cameroun à propos des travaux en vue de la CAN 2019.
Vous avez été sénateur et ministre à Madagascar. Envisagez-vous de refaire de la politique quand vous ne serez plus président de la CAF ?
Je me concentre sur mon mandat actuel. Ce dont j’ai envie, pour l’avenir, c’est de rentrer chez moi, à Mahajanga, et d’être utile pour ma ville. C’est un projet que j’avais déjà bien avant mon élection à la CAF. Je ne sais pas encore de quelle manière, mais j’aimerais jouer un rôle actif à Mahajanga. Il y a beaucoup à faire.