A l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale qui s’est célébrée le 10 octobre dernier, Dr Laure Menguene Mviena, psychiatre, présidente du comité d’organisation de la prise en charge des personnes atteintes de maladies mentales et errantes( Pammes), non moins sous directeur de la santé mentale, au Minsanté, a accordé une interview à la presse. Elle dévoile les activités menées dans le cadre de cette célébration au Cameroun, non sans donner les astuces pour éviter de sombrer dans la dépression. Elle fait une différence claire entre problèmes de santé mentale, et maladie mentale. Bref, elle revient sur les notions claires qui peuvent aider chaque individu à toujours bien se porter.
Le 10 octobre marque la célébration de la santé mentale, qu’est ce qui est fait à votre niveau, pour que cette commémoration ait un peu plus d’envergure ?
Voilà, merci beaucoup. Déjà c’est important de dire que parler de la célébration de la journée mondiale de la santé mentale, c’est parler de la célébration de journée mondiale du bien être. L’importance du bien être dans la vie d’un individu. Et le thème de cette année est, il est temps de donner la priorité à la santé mentale, en lieu de travail. Pour le compte de cette édition, il y a un accent particulier qui a été mis sur la sensibilisation générale sur cette problématique santé mentale, parce que jusqu’à présent, la perception c’est encore que santé mentale égale maladie mentale. Mais surtout cette problématique en milieu de travail. De plus en plus, ce lieu où nous passons plus de temps, dans la journée, est source de mal-être. Source de mal-être du fait de beaucoup de facteurs. Les facteurs internes à l’organisation même de la structure, la nature des tâches qu’on se voit attribuer qui ne correspondent pas à nos compétences, à nos capacités. les heures de travail qui ne sont pas toujours compatibles avec la vie sociale, familiale. Les frustrations de toutes sortes, au niveau des avancements, des promotions, les problèmes d’ordre financier, des problèmes relationnels, soit avec les collègues, soit avec la hiérarchie, les harcèlements. Bref, il y a une série de problèmes qui mettent les travailleurs, aujourd’hui, dans un état de mal- être. Quand on parle de travailleur, ça va jusqu’à la ménagère. Le travailleur ce n’est pas seulement le bureau, non. C’est la ménagère, la bayam- sellam, le motoman, donc, l’accent a été mis sur la sensibilisation. Une série d’activités est menée. Actuellement, il y a un déploiement qui doit s’étendre sur toutes les régions. La région du Centre a commencé à sensibiliser sur l’importance du bien-être. Que les travailleurs soient dans un état de bien être pour qu’ils soient productifs. L’urgence ici, est de mettre un accent sur les besoins fondamentaux. Scientifiquement, il est démontré que si un individu a des problèmes pour se loger, pour manger, pour se soigner, pour se vêtir, pour s’éduquer, il est automatiquement dans un état de mal-être. Si nous avons des employés qui vivent cette situation décrite, il faut savoir qu’ils sont dans un état de mal-être. Ils ne peuvent pas être productifs. C’est un moment d’attirer l’attention sur le fait que, le mal être de ces travailleurs, sera source de sous- développement, source de pauvreté, de chômage, de manque de productivité. Les activités de sensibilisation en milieu professionnel, dans les autres sectorielles et aujourd’hui également, il y a la prise en charge communautaire des pâmés, c’est-à-dire des personnes atteintes de maladie mentale et errante, qui se fait en communauté, notamment à Yaoundé 1. On peut dire au Cameroun que, le bien-être de ces personnes qui ont les problèmes de santé mentale, notamment la maladie mentale, est une priorité à travers cette activité. Et le bien être de la société tout entière est une priorité, d’où l’importance de la sensibilisation que le ministère fait non seulement à l’endroit des travailleurs, mais des population, en général.
Oui Dr, quel bilan pouvez-vous dresser, relativement à la promotion de la santé mentale au Cameroun ? Depuis, il y a eu des commémorations, quel bilan pouvez-vous en faire en ce moment?
On a la forte impression que de plus en plus, les gens comprennent la différence entre santé mentale et maladie mentale. On a aussi le sentiment qu’ils comprennent que la maladie mentale n’est pas quelque chose de mystique. On amène de plus en plus, ces personnes dans les formations sanitaires, ce qui est une très bonne chose. Et avec cette activité de prise en charge de nos frères et sœurs qui errent dans la ville de Yaoundé, on a des familles qui sont de plus en plus volontaires, pour les soutenir, les accompagner, parce qu’elles ont compris que ce n’est pas du fait de la sorcellerie. Ce n’est pas mystique, ici le gap, le défi c’est que toute la population doit comprendre que lorsqu’on parle des problèmes de santé mentale, tout le monde est concerné. Tous, nous sommes concernés. Les gens pensent que c’est uniquement ceux qui sont atteints d’une maladie mentale. Le mal-être qui est le problème de santé mentale, quand vous avez les problèmes financiers, vous ne pouvez pas dire, exactement où ça fait mal. Vous ne pouvez pas envoyé votre enfant à l’école. Vous ne pouvez pas réaliser un scanner, par exemple à votre enfant qui est malade ou à vous-mêmes. Vous- vous trouvez dans quel état, un état de mal-être. Sur le plan professionnel, toutes ces problématiques, sur le plan conjugal. Vous voyez que, pour nous, le défi est que toute la population comprenne que ces problèmes de mal-être, qui sont l’antichambre de la maladie mentale nous concerne tous. Donc, tous nous sommes à risque de faire, une maladie mentale comme la dépression et autres, parce que tous, nous avons les problèmes de santé mentale.
Dr, nous sommes tous les malades mentaux !
Non et non, la nuance c’est quand on dit problème de santé mentale, il y a le mal-être, et la maladie mentale c’est autre chose.
Quelle est la différence ?
Ladifférence c’est que lorsque vous perdez un être cher, c’est un problème de santé mentale. Problème financier, professionnel, situation de conflit, l’annonce de diagnostic de cancer, ça vous fait mal. Vous avez les problèmes de santé mentale en ce moment là. Maintenant, si vous n’êtes pas soutenu dans la détresse, où vous n’avez pas les compétences, pour faire face à cette détresse, vous tombez au deuxième niveau de santé mentale, qui est la maladie mentale. Le 1 dixième de santé mentale, c’est la maladie mentale. Mais les 9 dixième que nous voulons sensibiliser, c’est le mal- être là. Parce qu’aujourd’hui, les gens sont dans un état de mal- être, ils ont les problèmes financiers, affectifs, ils sont agressifs. On est nerveux, nous tous on le reconnait, quand vous partez de la maison, vous n’avez rien laissé à manger et que madame passe le temps à vous harceler. Quand vous savez que votre enfant est malade ou vous-mêmes, vous êtes malade. Vous souffrez , vous n’arrivez pas à payer un examen, mais on vous demande de travailler, est- ce que vous pourrez être compétent ? Cette année, c’est vrai, nous parlons de problème de maladie mentale, mais de plus en plus, du mal-être qui détruit notre société. Les féminicides par exemple, ce n’est pas le fait des personnes qui ont forcément une maladie mentale, c’est des personnes comme vous, comme moi, qui à un moment, à cause d’une situation de mal-être, passent à l’acte. Mais nous on insurge chaque fois que quand on parle de santé mentale, tout le monde vire vers la maladie mentale, comme si, c’est ça la problématique. La vraie problématique qui pourrit notre société, avec le trouble de comportement là, viols, assassinats, meurtres, agressivité , c’est en premier, lieu le mal-être. Les individus sont mal dans leur vécu quotidien, du fait de tous ces problématiques et réagissent de la sorte. D’où l’urgence d’investir. C’est en cela, que consiste la santé mentale. Sensibiliser sur l’urgence d’investir sur le bien être des individus, que leurs besoins fondamentaux soient satisfaits. Dans ce cas, ils pourront être bien. Mais tant qu’ils ne peuvent pas manger, se vêtir, se loger, se soigner, peuvent pas avoir droit à l’éducation normale, et autres, ça sera mauvais.
Nous ne pouvons pas sortir de cet entretien, sans vous posez la question de savoir, qu’en est – il des cas de ceux qui sont au « village de l’Amour », comment- vont-ils, est-ce qu’il y a des personnes venues dans un état bizarre, et on repris goût à la vie en ce moment, y a-t-il des exemples ?
Voilà, je vous invite ici, après, d’aller au village de l’amour, parce qu’il y a une différence quand Dr Menguene va parler et que vous- vous irez surplace. Actuellement, ils sont environ 166 personnes sur le site. Il y a une bonne vingtaine qui est stable. Je vous exhorte à aller au village de l’Amour où, on a pris en charge ces personnes là, pour leur donner le bien être, leur redonner leur dignité.
Quel message adressez- vous à tous les camerounais relativement, à cette célébration de la santé mentale ?
Nous pouvons dire à la population que santé mentale est égale au bien être qui est égal à l’amour. Si on veut que les gens soient bien dans leur tête, il faudrait qu’on mette l’amour au centre de notre existence. Il s’agit de l’amour vrai, cet amour qui veut simplement dire, bonne communication, bonne interaction, solidarité, prendre soin de soi et de l’autre. Si chacun, quelque soit le titre ou le grade qu’il occupe dans la société faisait de l’amour une priorité dans sa vie, il y aurait moins de personnes dans un état de mal- être et moins de personnes ayant des problèmes de santé mentale. Deuxièmement, remettre au centre de l’éducation au sein de la société des valeurs, les principes, les normes sociales, parce que ce sont ces éléments qui permettent qu’on vive de façon harmonieuse.
Joseph MBA