L’Amicale des Chefs Traditionnels des Villages du Canton Adiè a réuni les fils et filles de cette communauté ethnique, le 17 décembre dernier à Lom Edéa, comme prévu par l’appel d’Apouh quelques jours avant, pour plancher sur le devenir de ce peuple en perte de repères, à travers une dynamique nouvelle de vie, de développement et d’intégration communautaire.
Les chefs traditionnels des 22 villages du peuple Adiè, situé dans le département de la Sanaga-Maritime, région du Littoral, sous la bannière de l’Actravia-l’Association des Chefs Traditionnels des Villages Adiè, ont réuni les filles et fils de cette communauté ethnique, le 17 décembre 2022 à Lom Edéa, au domicile du grand patriarche Christian Ebellè Dikor, laquelle est située non loin de la ville, à l’effet de réfléchir sur son avenir tous azimuts. C’est à la suite de l’appel d’Apouh lancé, le 09 décembre 2022, dans le cadre d’une Assemblée générale extraordinaire consacrée aux préparatifs de la rencontre de restitution des travaux relatifs à l’organisation d’une plateforme devant régir une vie harmonieuse entre ses membres et entre ses membres et ceux des autres communautés établies dans la localité.
Dépositaires des pouvoirs traditionnels, de la sagesse ancestrale et de la force motrice du développement économique et social des communautés, les chefs Adiè ont présenté la feuille de route, qui devra désormais régir la gouvernance quotidienne de leur communauté, elle qui a été acclamée lors du résultat du dépouillement des consultations effectuées dans l’ensemble des villages d’Édéa. Cette rencontre a connu la présence effective du Ministre des Transports, Jean Ernest Masséna Ngallè Bibéhè, digne fils et élite du terroir.
En effet, les travaux ont démarré par l’exécution du chant de ralliement des Adiè. Après la lecture du récépissé de déclaration de cette manifestation publique, place a été donnée au mot du Secrétaire exécutif de l’Actravia, Sa Majesté Placide Miyila. « La rencontre de ce jour est une démarche sociale, coutumière et culturelle, qui marque une initiative décisive qui a pris corps depuis la création de l’Actravia », a indiqué le chef traditionnel, avant de poursuivre : « Cette association reconnue d’utilité publique a pour but la solidarité des chefs, la défense des intérêts des Adiè, la promotion de la culture traditionnelle et la valorisation de la chefferie traditionnelle ».
Sur le prétexte de ce projet de société, le gardien de la tradition s’est voulu interpellateur. « Pourquoi depuis nos ancêtres et nos parents, notre hospitalité légendaire ne produit plus les effets escomptés ? Est-ce le fait du temps et de notre histoire ? Est-ce le fait de la naïveté de notre peuple ? Est-ce le fait de la politique ? Est-ce celui du souci permanent de recherche de la paix faisant croire à une lâcheté de notre part? Est-ce le fait d’un conditionnement doctrinal de l’église et de la foi chrétienne ou des philosophies particulières ? Est-ce le fait de la peur des représailles de l’administration ? Est-ce le fait de notre faiblesse ou de notre négligence ? ». Autant de questionnements qui auront forgé la détermination des Adiè à s’affirmer comme un peuple capable de prendre son destin en main.
Il est donc question « d’emprunter un itinéraire nouveau nous permettant de contextualiser nos problèmes, de provoquer un confrontation avec tous les acteurs locaux à impliquer à la recherche des solutions, d’identifier et de faire le choix du modèle social à mettre en œuvre, lequel est capable de créer une synergie des savoirs pluriels dans un effort collectif ».
Rapport sans complaisance du diagnostic
Pour d’aucuns, a fait savoir Sa Majesté Miyila, la tendance à la résignation que l’on confond souvent à la noblesse n’est autre chose que la manifestation d’un orgueil exacerbé qui emmène à fuir ses responsabilités, à fuir ses propres réalités, parce que chaque fois, elles renvoient les échecs, les insuffisances, les déceptions, les aspirations inachevées, les ambitions mal assumées…
Pour d’autres, a-t-il renchéri, l’Adiè se cache dans une illusion de vivre et de pensées qui rend en permanence toute réalité subjective, il critique tout sans proposer, il propose des choses difficiles à opérationnaliser, il est sur la défensive lorsqu’il est acculé, il se dérobe au moment de passer à l’action… Une description que les Adiè veulent désormais voir relever du passé. Selon le Secrétaire exécutif de l’Actravia, il faut prendre conscience des enjeux de l’heure. » L’initiative Nkomanè Adiè likandè nous interpelle tous. Elle se veut un instrument de communication, une démarche communautaire de rassemblement, un champ d’expérimentation et de reconquête de notre espace vital ancestral et de notre dignité. La réalisation efficace de nos objectifs passe donc par un ressaisissement de tous, une prise en main de nos traditions à travers des initiations ainsi que la pacification de nos familles et des communautés ».
Pour atteindre ces objectifs, 15 commissions ont été mises sur pieds sur fond de respect des délais de présentation des travaux à effectuer. Il s’agit, notamment de l’amélioration de la feuille de route présentée, la régularité des travaux aux sein des commissions par leurs membres, la recherche des moyens financiers et la production d’un plan d’animation des commissions, l’évaluation permanente et le suivi des activités retenues ou programmées, la modélisation et la codification des conduites et des instruments propres aux différentes interventions en ce qui concerne les rites traditionnelles.
Il s’agit également de l’identification et l’amélioration des systèmes d’encadrement traditionnelle des familles, la recherche des pôles d’informations pour le renforcement des capacités des communautés et des associations adiè dans les villes et villages, la multiplication et la diversification des champs d’intervention et de production des richesses au profit des Adiè, la production des rapports et la consignation des données statistiques pour une bonne orientation dans la prise de décisions, la création des pôles de décisions communautaires…sont autant d’attentes de l’Actravia. « Le vin est tiré, il faut le boire », a relevé Sa Majesté Placide Miyila, qui a profité de l’occasion pour appeler à l’engagement collectif. Les travaux se sont achevés par l’exhortation à la mobilisation des filles et fils Adiè, par l’élite Jean Ernest Masséna Ngallè Bibéhè, afin que vive et prospère cette communauté qui compte dans le développement du département de la Sanaga-Maritime.
Bertrand TJANI