
Dans le cadre de la 5ieme édition du fonds d’appui au prototypage abrégé Fonds proto, Achille Bassilekin III, Ministre des petites et Moyennes entreprises, de l’économie sociale et de l’artisanat dresse un bilan au travers d’une interview accordé à la presse nationale.

1- Nous sommes à la cinquième année de mise en œuvre du fonds d’appui au prototypage en abrégé « Fonds-Proto ». Peut-on dire que l’objectif de départ est atteint ?
En effet, après cinq années de mise en œuvre, le Fonds-Proto peut être considéré comme l’une des initiatives les plus structurantes le développement de l’écosystème entrepreneurial et de l’innovation au Cameroun. Placé dès son lancement sous le très haut patronage du Chef de l’État, Son Excellence Paul Biya, l’ambition était claire : permettre aux idées novatrices de se transformer en prototypes concrets, viables et bancables. Aujourd’hui, avec plus de 130 porteurs de projets accompagnés, bénéficiant de subventions, de coaching et d’appuis techniques et managériaux multiformes, nous pouvons affirmer que l’objectif initial est atteint et même dépassé.
Toutefois, il faut insister sur le fait que ces cinq éditions, (dont trois étaient pilotes), ont finalement constitué un laboratoire d’observation. Elles ont mis en lumière les besoins concrets des innovateurs camerounais, révélé les gisements d’opportunités dans les domaines stratégiques, mais surtout elles ont démontré la capacité du Fonds-Proto à se positionner comme un levier puissant d’accompagnement dans la dynamique d’industrialisation, de substitution aux importations et de création d’emplois.
Les résultats sont éloquents : des biens et services innovants dans les secteurs de l’agro-industrie, de santé, de la transition écologique et du numérique ont été générés et participent à la souveraineté alimentaire, sanitaire et technologique du Cameroun. Ce bilan conforte la pertinence de la vision du Chef de l’État et confirme la montée en puissance du Fonds-Proto. Il est désormais judicieux de lui donner plus de moyens pour qu’il devienne un levier dans la réalisation de notre souveraineté économique.

2- S’il fallait faire une évaluation par secteur, lesquels ont été produits le plus prolifiques en termes de prototypes ?
Les réalisations du Fonds-Proto sont multiples et significatives. En premier lieu, nous avons accompagné des porteurs de projets dont les innovations répondent à des défis nationaux cruciaux :
Dans l’agroalimentaire, des solutions locales de transformation et de conservation ont émergé ;
Dans la santé, des prototypes innovants, parfois inspirés de notre pharmacopée traditionnelle sont disponibles ;
Dans la transition écologique, des projets de valorisation des déchets, d’énergies renouvelables et d’économie circulaire traduisant la vision du Cameroun vert ont été développés ;
Dans le numérique, des applications et plateformes renforçant l’inclusion financière, la compétitivité des PME et la digitalisation des services ont vu le jour.
Ces acquis démontrent que le Fonds-Proto est plus qu’un simple dispositif d’appui : il est un accélérateur de transformation structurelle, avec un impact direct sur le PIB, l’emploi et la compétitivité nationale.
3- De manière concrète, quelles sont les retombées cinq ans plus tard ?
Les acquis sont nombreux et significatifs. Premièrement, le Fonds-Proto a permis de révéler une véritable cartographie de l’innovation au Cameroun. Chaque édition a mis en avant des centaines de projets à travers le territoire dans des secteurs variés : l’agroalimentaire, la santé, l’énergie, le numérique, le bois, le textile, l’éducation, le transport, l’économie circulaire, l’artisanat de production l’habitat, et bien d’autres.
Deuxièmement, au-delà de la compétition, nous avons mis en place un processus structuré de maturation des projets. Cela inclut la formation des porteurs de projets, le prototypage, l’appui en ingénierie, l’accompagnement en propriété intellectuelle, et surtout le coaching en modèle économique. Beaucoup d’innovations qui seraient restées dans les tiroirs ou dans l’informel ont ainsi franchi un cap critique vers la pré-industrialisation.
Troisièmement, nous avons réussi à positionner le Fonds-Proto comme un levier de mobilisation collective. Les universités, centres de recherche, incubateurs, collectivités locales et partenaires techniques et financiers ont désormais un outil fédérateur autour duquel ils peuvent agir pour soutenir la jeunesse innovante.
4- Combien cet accompagnement a-t-il coûté à l’Etat et aux partenaires techniques et financiers de l’initiative ?
L’accompagnement consenti par l’État et ses partenaires s’élève à plusieurs centaines de millions de FCFA cumulés sur les cinq éditions. Ces ressources ont permis de financer non seulement l’organisation des appels à projets, mais aussi l’ingénierie de formation, l’appui en prototypage, les activités de coaching et de maturation, ainsi que les démonstrations publiques.
Au regard des résultats obtenus, cet investissement reste modeste comparé aux besoins en investissement compris entre 18 et 24 milliards de FCFA, et surtout aux retombées économiques et sociales. Chaque franc investi dans le Fonds-Proto a un effet multiplicateur important, en termes de création d’entreprises, d’emplois et de valeur ajoutée dans l’économie réelle. Imaginons l’effet que cela produirait si on faisait une extrapolation sur 1.000 bénéficiaires par an, y compris l’effet d’entrainement pour le marché du conseil et des intrants.
C’est pourquoi nous appelons à une montée en puissance financière, en mobilisant des ressources additionnelles auprès des bailleurs de fonds, des fonds souverains, des investisseurs privés et des partenaires stratégiques.
5- Qu’est-ce qui est prévu pour mobiliser encore plus de fonds pour accompagner cette initiative ?
Nous avons une stratégie claire. D’abord, renforcer la visibilité et la crédibilité du Fonds-Proto à travers la diffusion de ses résultats et bonnes pratiques, afin de convaincre les bailleurs et investisseurs. Ensuite, diversifier les sources de financement en mobilisant non seulement les dotations de l’État et les appuis des PTF, mais aussi les fonds souverains, les fonds d’impact, les fonds de pension, les investisseurs privés nationaux et internationaux.
Par ailleurs, nous travaillons à l’intégration du Fonds-Proto dans les mécanismes financiers innovants, afin de garantir des ressources stables et pérennes.
L’objectif est d’obtenir des financements conséquents susceptibles de transformer le vivier d’innovations camerounaises en une véritable force industrielle et économique. L’idée d’un fonds national d’amorçage et d’un fonds national de capital-risque est au centre de nos réflexions pour un aboutissement rapide. Le financement participatif pourrait également jouer un rôle prépondérant.
6- La première phase de mise en œuvre devait durer trois ans. Nous sommes à la cinquième année. Cela veut dire que les résultats sont visibles. Quelles sont les perspectives ?
Les perspectives sont prometteuses et confirment nos ambitions. D’abord, nous allons institutionnaliser le Fonds-Proto pour en faire un dispositif permanent et incontournable de soutien à l’innovation et à l’industrialisation. Ensuite, nous voulons passer à une échelle supérieure : accompagner davantage de porteurs de projets, couvrir plus de secteurs stratégiques et accélérer la mise sur le marché des innovations.
Nous envisageons également d’inscrire le Fonds-Proto dans une logique régionale et continentale, afin de positionner le Cameroun comme un hub de l’innovation en Afrique centrale. Enfin, nous voulons renforcer l’intégration systématique du numérique, de l’intelligence artificielle, de la transition écologique et des énergies renouvelables dans les innovations soutenues.
En somme, le Fonds-Proto est appelé à devenir un moteur essentiel de la SND30 et de la vision du Chef de l’État pour un Cameroun émergent, industrialisé et compétitif.
7- En marge de l’appel à projets, il y a depuis l’année dernière des journées d’exposition ‘‘fonds-proto expo’’ qui sont organisées. Quel est l’objectif de celles-ci?
‘‘Fonds-Proto Expo’’ a un double objectif stratégique. D’abord, offrir une vitrine aux innovateurs. C’est l’occasion pour eux de présenter leurs prototypes au grand public, aux décideurs, aux industriels et aux investisseurs, et d’attirer des partenariats technologiques et financiers.
Ensuite, ces expositions sont des plateformes de mobilisation. Elles démontrent concrètement que l’innovation camerounaise est une réalité, qu’elle produit des résultats et qu’elle mérite des financements massifs pour franchir le cap de la production industrielle.
Au-delà d’une simple foire, ‘‘Fonds-Proto Expo’’ est un catalyseur de confiance et d’engagement. C’est là que se tisse le lien entre l’innovation locale et les financements globaux. Le Fonds Proto envoie un message clair : le Cameroun a des talents, il dispose de solutions innovantes et il est prêt à les transformer en industries compétitives si des investissements conséquents sont mobilisés.
Luther Sana