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Daniel ONA ONDO et ABBAS MAHAMAT TOLLI : FIN DE MANDAT SUR FOND DE SCANDALES A LA COMMISSON DE LA CEMAC ET LA BEAC

Par Honoré Djimbaye (Docteur en Droit Public), Jean-Édouard Mba (Docteur en Philosophie), Jean-Baptiste Koulayom (Diplômé en Droit des Affaires), Chérubin Onana(Diplômé en Droit des Affaires), Paul Brice Massengo (Diplômé en Sociologie).
Le Conseil des ministres de l’Union Economique de l’Afrique centrale s’est tenu le 28 novembre 2022 à Yaoundé. Il a été précédé par des réunions préparatoires, notamment le Comité Inter-Etats, organe technique du Conseil des Ministres qui lui-même est organe technique de la Conférence des Chefs d’Etats. Ces différentes réunions qui aboutiront probablement à un Sommet des Chefs d’Etat se tiennent dans un contexte particulier et charrient des enjeux importants. Elles permettront de renouveler les mandats à la tête de la Banque centrale, mais aussi de la Commission de la CEMAC qui arrivent à échéance le 30 Octobre.
Les rencontres de Yaoundé marquent aussi la fin de l’interminable présidence camerounaise du Conseil des ministres et de la Conférence des chefs d’Etat démarrée en février 2019 à Ndjamena. Elles vont enfin consacrer le sommet de la grogne qui sourd contre le Gouverneur de la Banque et le Président de la Commission. Ces deux dirigeants sont au cœur d’une pétition lancée il y a trois semaines par des cadres de la région. Cette pétition, que nous publions ci-dessous, expose les scandales de mal gouvernance au sein de ces organes et appelle à la réaction des chefs d’Etats.
Excellence Monsieur le Président de la Conférence des Chefs d’État de la CEMAC, Excellences Messieurs les Chefs d’État de la CEMAC,
Nous, Citoyens de la Communauté, vivement préoccupés par l’état de liquéfaction où sombrent les deux principaux Organes de la CEMAC, venons solliciter, de Vos Excellences, des mesures promptes et vigoureuses pour assainir et redresser l’Organisation, tant celle-ci est aujourd’hui dévoyée, tant sont brouillés ses principes et ses perspectives.
Une déchéance éthique et morale d’ampleur frappe à la fois, en effet, la Banque Centrale et la Commission de la CEMAC. Les dénonciations virulentes qui grondent depuis plus d’un mois à la BEAC n’en livrent que de faibles stigmates.
Il est affligeant, quoi qu’il en soit, que le Gouverneur de la Banque Centrale s’estime autorisé à recruter au sein de l’Institution à la fois son épouse, son gendre, ses cousins, ses neveux, bref, sa nombreuse parentèle.
Il est encore plus affligeant que, en cinq ans, le Président de la Commission de la CEMAC se soit illustré lui également par l’embauche aussi bien de sa progéniture et de sa fratrie (portant d’ailleurs le même patronyme que lui, y compris neveux et petits-enfants) que de ses épouses secondaires, tantes etc.
La mal gouvernance, point commun de ces deux Organes de la CEMAC, est endémique, largement documentée, et s’affiche à travers plusieurs facteurs qui en sont tantôt des causes tantôt des effets :
1/ Au sein des deux Institutions, les titulaires de mandat se révèlent incapables d’encadrer et de contenir l’action des Premiers Responsables.
Ainsi, alors que le Gouverneur autant que le Président de la Commission se sont emmurés dans une gestion solitaire, autoritaire et incontrôlée, piétinant les textes à l’envie, multipliant les errements, aucun membre du Gouvernement de la BEAC ni aucun Commissaire de la CEMAC n’a cru devoir de dénoncer les dérives pour les en dissuader. Tous ont encouragé le naufrage par leur passivité et par leur silence.
A la BEAC, la réaction fort à propos du Directeur Général du Contrôle (membre du Gouvernement de la Banque), suite aux irrégularités du dernier concours de recrutements, doit être lue comme l’exception qui confirme la règle. A la Commission de la CEMAC, la démission est générale et désespérante. Un Commissaire bien connu appréhende d’ailleurs ses fonctions comme un simple titre honorifique et y trouve visiblement fort peu d’intérêt. Nommé Commissaire le 31 octobre 2017, il n’a jamais occupé ses bureaux, n’a que rarement séjourné au pays de Siège provisoire (en cinq ans, le nombre de jours cumulés de sa présence à Malabo avoisine à peine deux semaines), préférant poursuivre ses activités de Président de Conseil d’Administration du Port Autonome de Douala, en violation des textes dont il est pourtant censé être le gardien.
2/ Au sein des deux Institutions, la plupart des cadres et experts ont perdu le sens et la mesure de leur rôle. Supposés pourtant fins connaisseurs des textes et de l’orthodoxie institutionnelle, nombreux sont ces cadres et experts qui ont abdiqué en se faisant les dociles exécutants des caprices des Premiers Responsables. Beaucoup d’entre eux se sont résignés à sacrifier leur intégrité contre des préoccupations de carrière et des stratégies économiques immédiates par ailleurs peu valorisantes. A titre d’exemple, à la BEAC mais aussi à la Commission de la CEMAC, ni le Département Juridique, ni le Département des Ressources Humaines, ni le Département de l’Audit Interne n’ont jamais pointé, dans un rapport aux Premiers Responsables, les nombreuses irrégularités commises ainsi que les périls qu’elles induisent. Au contraire, ils ont facilité les irrégularités et les pires excès.
3/ Au sein des deux Institutions, la compétence n’est plus la valeur recherchée. Les embauches y sont synonymes de prolongement des liens familiaux, clientélistes et tribaux. La parentèle et les alliances opportunistes y passent pour un cordon de sécurité et de partage de privilèges.
4/ Les deux Institutions sont des foyers d’une gabegie sans limite. Les procédés de captation des ressources s’y développent dans l’indifférence générale en dépit de ce qu’ils sont parfaitement documentés. S’y entrecroisent des dépenses débridées dictées par le jeu des rétrocommissions, de l’affairisme tant à travers des prestataires fictifs qu’à travers des marchés de gré à gré, des détournements de fonds derrière des simulacres de « primes » aux destinataires incertains. La Commission de la CEMAC en offre les exemples les plus illustratifs. Il y a peu, la fuite d’une lettre de la Présidente du Syndicat des Transitaires du Gabon, datée du 14 janvier 2021 et adressée au Président de la Commission, a révélé l’existence d’un mystérieux compte bancaire ouvert à Libreville, par le même Président de la Commission, et dans lequel celui-ci demande aux importateurs de verser la Taxe Communautaire d’Intégration (TCI), s’employant de la sorte à détourner ces fonds du circuit légalement autorisé dont seul l’Agent Comptable Central de la Communauté est censé avoir le contrôle. En violation donc de l’orthodoxie, et dans la confusion la plus totale, des mouvements ont été enregistrés effectivement sur ce compte qui est géré uniquement par le Président de la Commission, avec l’appui de la Représentante Pays de la CEMAC au Gabon qui n’est autre que sa fille. Tout cela sans aucune traçabilité quant à la destination de ces deniers communautaires. Les références du compte en question ainsi que les consignes du Président de la Commission à l’adresse des Transitaires susmentionnés figurent dans la Note CEMAC N° 0001510 du 24 décembre 2020.
5/ Exceptée la monnaie que protège la BEAC, la CEMAC n’apporte rien de significatif dans le quotidien des citoyens de la Communauté. Elle a été absente durant la crise de la COVID-19 ; elle est absente sur les questions de chômage ; elle est absente sur les questions de la vie chère ; elle est absente sur les questions de société les plus sensibles. Aucun des sujets brûlants d’actualité ne la mobilise.
6/ Les « États Généraux de la CEMAC » tenus du 30 août au 1er septembre 2022 n’auront été qu’une vaste mascarade. Décidés par le Président de la Commission (alors qu’ils auraient dû l’être exclusivement par la Conférence des Chefs d’État qui, statutairement, détermine et oriente la politique de la Communauté, Cf. Art. 12 du Traité Révisé de la CEMAC), ces « États Généraux » traduisent à la fois la confusion des rôles et l’usurpation scandaleuses qui prévalent au sein de l’UEAC. Ils n’ont d’ailleurs eu « d’États Généraux » que le nom, puisque s’étant réduits à une réunion entre-soi, sans substance, sans débats contradictoires et argumentés, guidée en réalité par d’obscurs arrangements à l’effet de solliciter un prolongement de mandats (Ô honte… !). Aucun acteur des catégories professionnelles ou de la société civile, aucune organisation de femmes ou de jeunes, aucun industriel, aucun opérateur économique, n’y a été convié. Seuls se sont auto-congratulés ceux qui ont conduit l’UEAC à la déliquescence actuelle.

Excellence Monsieur le Président de la Conférence des Chefs d’État,
Excellence Messieurs les Chefs d’État,

Tous ces éléments témoignent d’un effondrement moral et institutionnel complet. Ils attestent que les missions officiellement assignées à ces Institutions sont devenues purement fictives.
Les postes y sont convoités pour les avantages qu’ils procurent et non pour les charges et les responsabilités qu’ils impliquent. La fusion avec la CEEAC, dont on parle pour les prochaines années, ne peut s’opérer dans un tel cafouillage. Aussi, nous, Citoyens de la Communauté, réclamons de vos Augustes Autorités de bien vouloir :

  • Prescrire des mesures conservatoires urgentes à l’encontre des principaux Premiers Responsables de la BEAC et de la Commission de la CEMAC ;
  • Ordonner l’Audit financier et comptable de ces deux Institutions, y ordonner aussi un Audit des ressources humaines et un reprofilage du personnel ;
  • Opérer une remise en ordre complète avec de nouvelles compétences éprises de transparence et réellement acquises à la cause communautaire ;
  • Responsabiliser de manière plus contraignante les titulaires de mandat et les cadres et experts de sorte que soient engagées leurs responsabilités personnelles en cas de faute, de manquement ou de négligence.
    Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président de la Conférence des Chefs d’État, Excellences Messieurs les Chefs d’État, l’expression de nos sentiments dévoués.

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