Savoir pourquoi l’Afrique anglophone se porte mieux que l’Afrique francophone soulèverait des débats passionnants.
Les pays anglophones majoritairement membres du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa) se voient plus dynamiques que les pays francophones, pays de la zone franc membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) en terme de croissance économique. Selon, le Fonds monétaire international (Fmi), les pays de la Comesa ont enregistré une croissance régulièrement supérieure à 6%, entre 2004 et 2015. En 2010 et 2011, leur taux de croissance a atteint une moyenne de 7,5% hors produits pétroliers. Sur 18 membres de la Comesa, seuls trois sont francophones, à savoir la République démocratique du Congo, les Comores et Madagascar. Sur la même période, les pays de la zone franc ont enregistré une croissance plus faible : 3,4% en 2009 jusqu’à 6,1% en 2012. Selon le classement de Pnud en matière de progression sociale, le Gabon est meilleur avec un (Indice de développement humain (Idh) de 0.68, surpassé par les Seychelles, le Botswana et l’île Maurice.
Coup d’œil du passage du français à l’anglais dans le pays de mille collines : LE RWANDA
C’est en octobre 2008, en pleine rupture des relations diplomatiques avec la France, que l’ancienne colonie belge (et donc francophone) a annoncé le passage à l’anglais dans l’enseignement public comme dans l’administration. Le président Paul Kagamé a décrété ce changement pour « donner la priorité à la langue qui rendra nos enfants plus compétents ». Rien qu’en cette année, la croissance est passée de 7,7% en 2007 à 11,2% en 2008, selon la Banque mondiale.
Qu’est ce qui retarde les pays francophones ?
Politique monétaire : le débat reste passionnant et les raisons ne sont pas unanimes selon les analystes économiques et politiques. En effet, nombreux sont ceux qui confirment depuis le récent débat du franc Cfa au sein du marché de la zone franc : « Les pays anglophones ont été libérés de leur colon sur tous les plans. La France a toujours les regards dans les affaires des colonisés sans oublier la dictée qu’elle fait à ces pays. Quand tu veux voir celui que tu prétends aider évoluer, tu lui donne les conseils tout en lui laissant le choix de sa politique ».
Franc Cfa : un réel problème
Soixante-dix ans après la création du franc Cfa, quinze pays repartis dans deux zones utilisent encore cette monnaie, la Cemac et l’uemoa formant ensemble la zone franc. Deux banques sont censées régir et garantir la stabilité monétaire au sein de ces deux zones, mais un autre acteur pèse sur les décisions : la Banque de France ayant un droit de véto, et fixe le prix du Fcfa sur l’euro et garantit sa convertibilité.
La France est elle prête à décider pour les intérêts de ses anciennes colonies ? Selon les économistes, le Fcfa freinerait le développement de la zone franc, car ces quinze pays ne peuvent pas créer la monnaie selon leurs besoins. Car, la monnaie est frappée en France, en Auvergne, à Chamelière plus précisément. Les pays anglophones, quant à eux, ont chacun leur monnaie et un contrôle total sur leur politique monétaire.
Entrepreneuriat : selon cette liste, il est intéressant d’entreprendre dans les pays anglophones. Ces pays font la promotion de l’entrepreneuriat et profitent de la notoriété de l’anglais, pour acquérir le plus d’information au tour du sujet d’entreprise. L’entrepreneuriat est créateur de richesse et d’emploi. Contrairement aux pays francophones, la documentation autour du sujet de l’entreprise n’est pas fréquente dans les écoles dès le jeune âge. Les pays anglophones favorisent le business local, c’est ainsi que l’Ouganda se classe en tête du classement avec le plus fort taux de création d’entreprise par habitant (28,1%). Il jongle avec plus d’un quart de sa population considéré comme entrepreneurs, c’est certainement pour des raisons culturelles.
Pour Anthony Bouthelier, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), si les entreprises se précipitent vers les pays anglophones, c’est parce que « la régionalisation des marchés fonctionne plutôt mieux que dans l’ouest du continent ». « Le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, le Mozambique donnent l’impression de vouloir travailler ensemble », ajoute-t-il. Mais pour lui, la psychologie collective compte aussi: « Les pays de culture anglo-saxonne sont plus orientés vers les affaires et l’esprit d’entreprise; leurs habitants ont moins envie de devenir fonctionnaires que les Africains de culture française. »
Conflits politiques : des crises en côte d’Ivoire entre 2010 et 2011, au Mali en 2012 et en République centrafricaine en 2013 déstabiliseraient l’économie des pays de la zone franc en ensemble. Les conflits au sein de la politique francophone sont souvent des conflits violents, armés qui opposent des groupes militaires formés à des groupes non officiels (guérillas, opposants, …) menant souvent à des guerres civiles dont le but principal est de prendre le pouvoir du pays pour mieux en contrôler les revenus.
Quand certains cherchent à contrôler les revenus, les autres cherchent à en créer dans des politiques favorisant les échanges et la circulation des biens et des personnes mais aussi en résolvant de près ou de loin les questions de corruption dans des institutions publiques comme privées.
Conflit de générations : les leaders des pays anglophones ont compris le changement des mentalités de la jeunesse entière en Afrique et s’y sont adaptés pour mieux gérer leurs pays. Quant aux pays francophones, il y a une rupture entre la nouvelle génération (la jeunesse) et les anciens. Il suffit de voir quand des conflits comme la question du franc CFA, la jeunesse a voulu et veut toujours rompre avec cette monnaie alors que certains dirigeants expliqueraient que cette dernière ne pose pas problème. Quand les dirigeants et les dirigés ne sont pas d’accords sur certains points, alors des soulèvements populaires peuvent ressurgir et peuvent bloquer l’économie du pays.
Infrastructures : entre le Nigéria qui inaugure son premier TGV et le Rwanda qui se rêve de Singapour africain, les pays anglophones veulent faciliter les échanges intra régionaux et en même temps dans les pays francophones, nous remarquons la dégradation des infrastructures, souvent non entretenues ou laissées à la ruine.
Les pays africains doivent s’unir via l’Union Africaine et discuter des perspectives économiques et politiques qui profiteront à l’Afrique dans son ensemble. Aujourd’hui, face aux défis de la mondialisation, l’Afrique a besoin d’une monnaie qui joue en sa faveur, une monnaie qui faciliterait les échanges entre pays africains d’abord, une monnaie gérée par une banque indépendante des Etats si les zones monétaires sont maintenues ou mises en fusion, garantissant une faible inflation ainsi que la convertibilité de la monnaie.
Les pays francophones doivent apprendre de leurs frères anglophones pour aussi avancer au même niveau qu’eux. L’Afrique est le continent d’avenir, ça serait dommage que son peuple passe à côté de cette opportunité.
Source : Ghislain Nduhirahe