Le Dr Corine Esse, enseignante au département Communication des Organisations-Esstic, explique la difficulté pour la Caisse Nationale de Prévoyance sociale à atteindre les objectifs escomptés.
Le Docteur Corine Esse s’intéresse au peu d’engouement observé dans la déclaration et l’immatriculation de l’emploi de la main d’œuvre domestique au Cameroun. L’enseignante au département Communication des Organisations à l’Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (Esstic) a été approchée à l’effet d’apporter son expertise à la suite d’une enquête menée sur le terrain en rapport avec la campagne en cours, initiée par le Directeur général de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (Cnps).
Il faut rappeler que dans un communiqué signé au mois de septembre 2022, Noël Alain Olivier Mekulu Mvondo Akame rappelait au public que « toute personne employant une main d’œuvre domestique à domicile ou en tout lieu privé est tenue de la déclarer et l’immatriculer à la Cnps, assorti du payement des cotisations sociales y afférentes ».
Selon le Dg de la Cnps, « il s’agit d’une obligation légale, sociale et morale à l’égard de ces modestes personnes à leur service, qui vise à sauvegarder leurs droits, notamment pour le bénéfice des prestations sociales servies par la Cnps (allocations familiales, prise en charge des maladies professionnelles et accidents du travail, pensions de retraite…) ».
Aussi, relèvera le communiqué, « le Directeur général de la Cnps exhorte toute personne concernée, aussi bien les employeurs que les personnels domestiques eux-mêmes, à procéder sans délais aux obligations rappelées ci-dessus. Ceci peut se faire, soit auprès de tout centre de prévoyance sociale, soit directement en ligne sur le site web www.cnps.cm ».
A cet égard, poursuivra le document, « passé le mois de septembre 2022, des enquêtes et contrôles systématiques seront organisés sur l’ensemble du territoire national, et les redressements conséquents seront opérés, en application stricte et rigoureuse de l’ensemble des mesures prévues par les textes en vigueur ». Le Directeur général de la structure conclura en comptant sur la compréhension citoyenne de tous.
Stratégies gagnantes
« Je voudrais au préalable ici préciser qu’il s’agit d’une situation liée à la conduite d’un changement au sein de notre société. Il importe également de préciser que le changement organisationnel désigne un processus par lequel une instance, en l’occurrence une organisation et dans une certaine mesure, une société, améliore sa performance. Nous sommes ici face à un changement transformationnel qui va progressivement changer le statut des personnels de maison. Notre pays est en construction et ce dans plusieurs domaines », a indiqué le Dr Corine Esse, avant d’embrayer sur la préoccupation : « Pour revenir au cas spécifique, objet du peu d’engouement observé dans les récentes sorties des responsables de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, il faut dire ici qu’il s’agit davantage de la transformation socio-professionnelle d’un secteur qui aujourd’hui emploie à un niveau important. La question concerne aussi bien les employeurs, les employés que les citoyens en général ».
En matière de communication, explique l’enseignante, « ce type de transformation ne s’effectue pas à très court terme, il s’étend à long terme et les activités de sensibilisation mises en œuvre concernent aussi bien l’information, l’éducation, la communication que la sensibilisation, au fur et à mesure que s’intègrent ces changements. Il ne suffit pas seulement de dénoncer, mais surtout d’adhérer à un nouveau système ».
Efficacité recherchée
« Pour plus d’efficacité, il faut dans un premier temps consacrer les activités d’information vers des publics spécifiques, les employeurs et les citoyens, dans le but d’expliquer le bien fondé d’un tel changement et son impact dans la vie socio-économique, puis, passer à un autre palier avec la sensibilisation et surtout, privilégier la prise de responsabilité des tiers. Les entretiens individuels, la sensibilisation des leaders d’opinion n’est jamais superfétatoire. Ce par quoi nous venons de passer à travers les sorties de la Cnps, vient après l’information et la sensibilisation. A titre d’exemple, cela fait plusieurs années que l’institution en charge des impôts sensibilise sur la taxe foncière, l’objectif est toujours recherché et les activités y afférentes se poursuivent ».
En définitive, explique davantage le Dr Esse, « les actions qui visent un changement de comportement s’inscrivent dans la durée et suivent un processus dans leur évolution. Nous ne pouvons pas attendre des résultats après un mois, car il faut bien expliquer à l’employé qu’il ne s’agit pas d’une coupe, mais d’une réserve qui permet de lui assurer sa retraite; à l’employeur qu’il s’agit d’un acte responsable; c’est de la communication sociale. La Cnps devrait, pour plus d’efficacité, se plier au processus d’information et de sensibilisation des tiers. Une campagne média ne saurait informer à suffisance les parties prenantes. Un an au moins, pour la sensibilisation au porte-à-porte, des rencontres avec les députés, les autorités… »
Il faut rappeler que les résultats des enquêtes menées sur le terrain, par votre journal, sont mitigés. En effet, l’essentiel des patrons rémunèrent mal leurs employés. Manque de moyens conséquents ou mauvaise foi ? Nul ne saurait y répondre avec exactitude. Toujours est-il que certains estiment que c’est trop leur demander que d’affilier cette catégorie de travailleurs à la Cnps. De l’autre côté, nombre d’employés domestiques éprouvent la peur de forcer la main à leurs patrons ou de les dénoncer, au risque de perdre leurs jobs. Une contribution comme celle du Dr Esse ne serait-elle pas la bienvenue ?
Bertrand TJANI