
Treize ans après avoir été exfiltrés pour échapper aux extrémistes, les manuscrits anciens de Tombouctou reviennent dans la cité légendaire. Reste un défi de taille : les protéger des dangers… et parfois de leurs propres propriétaires.

Les manuscrits anciens de Tombouctou, sauvés in extremis lors de l’arrivée des groupes extrémistes il y a treize ans, sont enfin de retour dans la ville mythique des “333 Saints”. Transportés en urgence vers Bamako à l’époque pour échapper aux combattants affiliés à Al-Qaida, ces documents constituent l’un des plus riches héritages intellectuels du continent africain.
Ces trésors, qui rassemblent des textes médicaux, des écrits juridiques, des correspondances, des notes d’astronomie ou encore des chroniques des grands empires ouest-africains, témoignent d’un savoir pluriséculaire. Mais un problème persiste : une grande partie de ces manuscrits reste encore éparpillée dans des bibliothèques familiales à Tombouctou.
Selon Sane Chirfi Alpha, membre fondateur de SAVAMA-DCI, la situation de ces familles fragilise la préservation de ce patrimoine. “Beaucoup vivent dans des conditions difficiles et n’ont aucune aide. Alors, quand les finances manquent, certains sont tentés de vendre les manuscrits”, explique-t-il, soulignant un risque réel de dispersion ou de perte.
Ces documents révèlent également une tradition fascinante : la chaîne de transmission du savoir. Chaque érudit y consigne l’identité de son maître, qui lui-même mentionne celui qui l’a formé, et ainsi de suite. “Quand un étudiant termine son apprentissage, il reçoit un certificat qui atteste de ce qu’il a appris et indique toute la lignée des savants jusqu’à l’auteur du texte original”, détaille le Dr Mohamed Diagayaté, directeur général de l’Institut Ahmed Baba.

Mais la conservation matérielle de ces œuvres reste un autre défi. L’Institut Ahmed Baba forme aujourd’hui une nouvelle génération de spécialistes pour assurer la sauvegarde de ces archives uniques.
Parmi ces futurs experts, Baylaly Mohamane confie sa motivation : “Je veux devenir spécialiste des manuscrits parce qu’ils renferment énormément d’informations, notamment médicales. Les comprendre et savoir les préserver profitera à tout le monde.”
Numérisation, restauration, formation… Malgré ces efforts, les gardiens du patrimoine insistent : la priorité absolue est désormais de sécuriser cet héritage et de garantir qu’il puisse éclairer l’avenir autant qu’il raconte le passé.
Gérald Nyatte



